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La Lario à Lézennes...
Par Luc (v.01)

Mise à jour: 1er novembre 2010
 
 

L'histoire -superbe et tellement motarde- qui suit a été postée sur Frm par Luc, dans le cadre du Top Arsouille.
C'est une de mes préférées, et la lire n'est rien à côté de l'entendre... :))
Enjoy it...

 

Souvenir d'une leçon d'humilité.

On est dimanche.
Comme tout les dimanches je me lève tôt pour aller faire un p'tit tour de moto.
Dans le garage, la Guzzi attend sagement sur sa béquille.
Je fais le tour de la 650 lario.
Les mégaphones sont bien serrés, les chiffons enlevés des cornets, je vérifie sur mon étagère quels types de gicleurs sont en place.
"OK de ce temps là cela devrait être bon."
C'est qu'elle est devenue sensible des carbus depuis ces modifs ma moto.
Le remplacement de l'arbre à came, la pose de ressorts de soupapes de vfr, le polissages des conduits et le nouvel allumage l'ont rendue trés pointue dans ses réglages.
En plus, des mégafs et des cornets ne stabilisent pas une carburation.
Je vérifie la pression d'air de la fourche, des Fournalès, des pneus, contrôle les plaquettes de freins et le niveau d'huile: tout est ok.

Il est 7h30 tout est calme.

Tout le monde dort encore dans mon petit quartier.
Pas le moment de faire chauffer un gros twin italien.
La porte est ouverte doucement, et je sors la moto que je pose délicatement sur sa latérale, je m'équipe le coeur léger, léger comme un motard qui part en ballade un beau matin d'été.

Dieu que j'aime ces départs matinaux, quand la brume monte sur la route et que la terre semble encore endormie.

Je pousse la moto sur 100 mètres, saute sur la selle et hop! un coup de démarreur fait résonner le son mélodieux du twin à 90 qui parle à gorge déployée.

Je m'éloigne à bas régime, évitant de trop perturber par le chant de mon moteur le sommeil dominical du quartier.

Devant moi la route se déplie tandis que le twin chauffe en roulant.
Ahhh !!! la jolie petite route qui tourne.
Braoummm brrrrrrrrrrr chante le guz à chaque rétrogradage.

J'arrive sur une p'tite route et l'enfile comme ma moto l'aime bien: en enroulant sans toucher les freins.
Cool.

De fil en aiguille je me retrouve à revenir vers le circuit de Lézenne.
Il vient à peine d'ouvrir et je suis le premier.
La tentation est trop grande.
Le CRS qui me connait vient me saluer et me regarde monter sur la piste que j'ai pour moi tout seul.
Extase des trajectoires libres, j'enroule sans forcer la moto, le grand droit est négocié à 5000 tr/mn et je me fais plaisir sans forcer.

Au bout de quelques tours, j'aperçois le cul d'une moto qui disparait au bout de la ligne droite au moment où je rentre dans celle-ci.
"Tiens ??? keske c'est comme moto. Je vais voir....."
Sensiblement, j'augmente le rythme.
Le compte-tours commence à grimper, le bruit du guzz passe du grave au rauque, les freins entrent en action de manière plus énergique...
Je finit le tour pour arriver dans la ligne droite et voir le cul de la moto disparaitre de la même facon... "merde ! il accélère ce con.... attends mon gars"...
Cette fois ci, je commence à mettre gaz en grand, un coup d'oeil sur le compte tours dans le grand droit m'indique 5500 tours, je raccourcis les freinages, met gaz plus tôt.
Bref, je commence à sérieusement attaquer pour arriver dans la dernière courbe et... voir le cul de la moto noire disparaitre encore une fois dans le virage.
"Le rascal !!!!"

Gazzzzzz gazzzzz à fond à fond à fond.

Mon coeur monte autant en régime que le guzz modifié qui commence à cracher vraiment ses tripes.

Régulièrement, le compte tours s'envole de mille tours derrière la zone rouge, et je sors le grand jeu: déhanchage complet, freinage trés tard, la grande courbe est passé cette fois-ci à 6500 t/mn avec la guzz qui godille dans tout les coins.

Insensiblement je remonte sur lui .
Insensiblement, je raccourcis les freinages, travaille les trajects, met les gaz plus tôt, plus fort.

Déjà, j'ai jamais tourné aussi fort avec elle, les pointes de mes bottes touchent alternativement à droite et à gauche, tandis que je laisse glisser la guzz en refermant légèrement les gaz aprés la mise sur l'angle.

Je l'approche.
Je le tient.
J'ai en point de mire le slick de la moto noire que je reconnais comme une 750 gsxr.
On prend la dernière courbe avant la ligne droite, je met gaz en grand très tôt mettant la guz en glissade pour gagner du temps et regarde la gxsr s'éloigner dans un wosssshhhhh implacable qui me laisse sur place.

"Putain !!! gazzz" le guzz vibre et se raidit tandis que je le force au delà du raisonnable.
Le nouvel arbre à came lui permet de grimper haut dans les tours sans s'essoufler et je le laisse grimper. (non, réellement, vexé, je tire dedans à mort).
L'aiguille du compte tours passe la dernière gradation sur chaque rapport.
J'avale la grande courbe avec la noire en point de mire et m'apercoit qu'il est beaucoup plus rapide que moi sur la première partie, mais plus lent sur la deuxième.
La guzz devient un bout de bois que je force et qui godille.
Je suis à presque 7000 trm/mn là où je n'ai jamais dépassé 6000.... je le recolle... arrive le premier droit.
"Hé ??? il freine pas ce con ???" je me met debout sur les freins tandis que le gsxr se met sur l'angle et freine monstreusement sur un paquet de bosse où mon guzzi se désunit et se prend 20 mètres.... "merde merde merde" dans les lacets je me dépouille vraiment, gagnant mètre sur mètre pour le recoller.

J'ai les bras qui me font mal, tandis que le guz proteste en faisant blocage et travers sur travers. Je suis limite et même plus que limite. Nouvelles lignes droite, nouvelle punitions, whoussssshhhh la susuk s'en va :((((( Même retard. Même retard même gain. A chaque fin de la ligne droite je me fait déposer inexorablement au freinage. J'ai les boules. J'ai la haine, j'ai même l'impression qu'il m'attend à la fin de la ligne droite rien que pour me montrer son freinage. Le rythme augmente encore mais je ne veut pas lâcher. Six fois je me fait mettre dans la fin de la ligne droite. J'arrive pas à le coller au freinage à cet endroit là, il y a trop de bosses. La 7ème fois, je tente un truc con: je prend l'intérieur qui est plat mais me met sur une trajectoire naze pour le prochain virage.

Je rentre à fond, bloque les deux roues, la moto gicle vers l'extérieur, je lâche le frein avant, la moto part en équerre, gazz à fond, embrayage, la guzz se lève, l'avant se remet dans l'axe et je suis devant le gars, en guidonnage à 100, en première, à 10000 avec un guzzz..... c'est plus que de la dépouille c'est de la rage!!!

Je suis trempé, je dégouline et regrette que mon casque soit fermé mais j'ai pas le temps de l'ouvrir: un gauche, le gars tente l'intérieur mais je le ferme sans faire exprès.

A chaque entrée de virage, je bloque les roues car mes freins deviennent flous d'ailleurs, à ce rythme dingue, la guzz devient un truc inconduisible.
Faut se battre pour la mettre sur l'angle où elle glisse de partout.
Elle est raide raide, imprécise et raide!!! travers sur travers, glissade du cul, mes trajects sont connes mais le gsxr reste derrière (peut être a-t-il peur de doubler une bécane qui se fout en crabe partout ?) la guzz hurle et dans le dernier virage je sors avec 10 mètre d'avance sur lui.
En fin de ligne droite, il est de nouveau devant mais il n'accélère pas à fond, il se place et recommence sa leçon de freinage sur l'angle.
Je recommence mon truc con, qui rate ce coup ci, il ralenti un peu... il m'attends ? je me colle à son cul dans les chicanes séparées par un bout de ligne droite.

Le gsxr se lève et détale, la guzz se lève aussi et crache jusqu'à son dernier cheval, je le recolle au freinage.

Je sens que je suis au bout de mes possibilités, je sens que je commence à faire des conneries. Je devrais arrêter mais je ne peux pas.
Je le veux ce type.
Je rentre dans le virage, la roue arrière bloquée, sauve la mise par un-coup-embrayage-zone-rouge-coup-de-pied-à-terre et me recolle à lui, complètement chiffon sur la bécane.
Un droit, il accélère dans la courbe, le genoux à terre et me reprend 5 bons mètres tandis que le guzz se remet en crabe.
Le gauche, la cible moto noire se relève, freine monstrueusement tandis que je bondis sur le frein et m'aperçois que je suis en troisième là où d'habitude je suis en 2 !!!

Je freine et là je sens que cà passe pas.

La guzz se met à dribler de l'arrière tandis que l'avant (un metzler 33 lazer) décroche complètement, je relève, voit arriver l'herbe.... "merde merde merde, je me sors..." debout sur les cale-pieds, accroché au bracelet, en nage, je traverse l'herbe pour me retrouver devant le gsxr.
J'ai pris un raccourci...
Le mec disparait comme un boulet de canon tandis que je sort lentement sur mes roues de la piste...

Je coupe le contact du guzz qui fait un bruit de métal au ralenti...

J'ai les jambes molles et j'arrive même pas à descendre pour mettre la bequille.
Je suis rincé, je suis une lopette, je suis mort de fatigue.
J'enlève mon casque, le balance dans l'herbe. Un pote me voit et, se marrant, m'aide à descendre.
Il ira même jusqu'à allumer ma clope que mes mains tremblantes n'arrive pas à tenir.

"T'as pas l'outil qu'il faut" me console t-il en me charriant un peu.

Trouvant que ma moto refroidissait avec un bruit bizarre, je me suis penché dessus.
L'huile moteur bouillait !!! le frein arrière, fixé sur le couple conique était brûlant, le disque rouge et tout le système intégral bouillait aussi, ce qui faisait que la pédale de frein s'enfonçait sans résistance.
A l'avant, les disques fumaient aussi....

Je l'ai laissé refroidir une bonne heure, mais à la remise en route, le moteur claquait de manière étrange.

Pourtant, elle n'avait pas fini sa journée, la guzz, l'aprés midi lui réservait une autre bourre, sa dernière bourre....



De la limite des vitesses linéaires..


Le guzzi redescend au ralenti devant chez moi.
Il m'inquiète.
Se mélant au bruit grave des échappements, le moteur côté gauche résonne métalliquement comme si il cognait.
Ma femme, surprise de me voir revenir si tôt, sort voir ce qu'il se passe.
La moto est remise dans le garage et profitant qu'elle est encore un peu chaude, je lui fait une rapide vidange.
Tandis qu'elle pisse son huile dans la cuvette, je dépose rapidement les couvre-culasses pour jeter un oeil.
Rien : les tiges poussoir et les double basculeurs au dessus des 4 soupapes de droite comme de gauche sont normaux, le jeux aux soupapes parait cohérent, les ressorts de vfr n'on certainement pas souffert.

Je ne comprends pas d'ou vient ce bruit de résonnance métallique.
Dans la cuvette l'huile pourtant pas très vieille ressemble à de l'eau noire.
Complètement rincée.
Je referme le bouchon, refais le plein et me penche soucieux sur le système intégral.
La pédale de frein a repris sa consistance normale, mais les plaquettes arrière tendres ont sacrément vieillies.
Je decide de refaire un tour pour voir ce qu'il se passe.

Le moteur se comporte normalement, toujours aussi brutal et direct, il tracte bien.
Par sécurite, je vérifie les bougies, augmente légèrement les gicleurs principaux.
La guzz est vraiment simple à bricoler et tout est accessible, c'est simple et rapide.

Je repars avec elle et... retourne au circuit où j'espère rencontrer un pote qui s'y connait bien en mécanique.

Effectivement il est là, mais il tourne avec son vieux 350 rdlc.
Enfin il tourne avec deux autres gars, un 250 nsr et un 500 rg gamma.
Ce sont tout les trois des mecs que je connais, d'ailleurs au circuit on nous appelle les pépés...
J'attend un peu et, voyant qu'il ne sort pas, me décide à remonter sur la piste.
Le guzz s'engage mais je ne le force pas.
J'attends que la rdlc passe et me colle à elle sans trop de difficultés.
Mon pote me fait un signe et met gaz.
Je le colle tandis que le 250 nsr continue sa ronde bcp plus rapide que nous.
J'écoute le guzz tandis que j'enroule derrière mon pote qui ne se dépouille pas du tout. Au fur et à mesure que le moteur remonte en température, le bruit disparait.
Je suis maintenant rassuré.
Tout à coup, j'entend le 250 ns qui me rattrape, je me serre sur le côté et reconnait le style déhanchement maxi de mon pote.
Au lieu de me remercier il nous dépasse et nous fait un joli bras d'honneur pour nous narguer.
Déjà, le 350 Rdlc s'éloigne et j'entend dans mon dos arriver le 500 rg.
"Non mais !!! c'est coa c'te binz ?
Gazzz !!!!"

J'ai un grand sourire sous mon casque, j'oublie les bruits de mon moteur: c'est reparti !!

La ronde recommence: devant moi le 350 rdlc en train de râcler copieusement, derrière le rg gamma qui me talonne et devant la honda nsr.
Le dernier virage arrive et le guzz grâce à son gros couple s'éjecte de la courbe passant sans pb le rdlc, rattrapant le nsr qui avance dans un bruit de guêpe, tandis que le rg nous met tous d'accord en nous passant à la corde... A la corde... il passe pas, je lui fait l'extérieur sentant maintenant la pression du NS. La guzz me gratifie de son classique ébrouement dans les bosses à cet endroit là et je distance tout le monde jusqu'à mon virage maudit.. Encore une fois comme le matin je me fait rattraper puis remettre par Ns et le RG qui godille dans les bosses autant que moi et se retrouve limite, limite. Je me colle à eux, dans les s, cherchant un trou pour les doubler, mais à deux ils occupent toute la piste. Derrière moi j'entends les pots du 350 qui frottent. Apparemment je ne suis pas le seul à me dépouiller... Pas de trous entre la RG et le NS, je reste derrière jusqu'à la ligne droite où gazzzzzzz.. On enchaîne tours sur tours, le rythme grimpe encore et encore. On se dépouille. Sur le côté de la piste le CRS de faction a sorti son chrono et regarde les pépés tourner d'un air surpris et amusé.
Quelques machines qui tournent aussi se mêlent à notre groupe mais décrochent assez vite... On a beau se connaitre, on se déchaine, on est saignant. A fond. Le Rg godille devant moi mais reste devant car c'est lui qui a la bonne traject. La Ns tente l'intérieur et me surprend en y arrivant... Gasp je suis troisième ??? On arrive dans mon virage maudit et je le traite différement, perdant moins de temps que d'habitude et me retrouve roue dans roue dans les s.. Gazz, mise sur l'angle , coupe les gazz et hop gazz encore, le guzz décroche de l'arrière et je réussi un joli intérieur au RG. Je l'aurais bien salué mais la Ns est en vue. La Ns semble beaucoup plus facile que le guzz dans ses enchainements. Je n'arrive pas à la remonter. Le dernier virage est en vu et j'entends un bruit de gamelle. Je me retourne dans la ligne droite, il n'y a personne derrière, le rg et le 350 sont absent... "Merde !!" Je regarde devant: le Nsr en a profité pour s'éloigner. Gazzz gazz , je renquille en quatre et laisse l'énorme montée en régime du guzz lui tirer l'aiguille en dehors du compte tours... je repasse la Ns en collant la 5 et en jetant la guzz dans la courbe. On dépasse tout les deux un groupe d'attardés. Je suis complètement déhanché, la jambe sur la selle facon Randy Mamola, la fin de courbe approche et je suis en tête, légèrement à l'intérieur du Ns, je suis concentré mais heureux.

Je mène la danse!

Tout à coup, comme au ralenti: la guzz a un hoquet et commence à glisser de l'arrière dans un bruit épouvantable de mécanique qui explose.
En moins d'une seconde, la moto décélère dans des crissements métalliques épouvantables.
J'ai le temps d'apercevoir le compteur à 185, la Ns me frôle par l'interieur, son pilote se bat avec elle pour la garder sur la piste après un changement de trajectoire brutal pour m'éviter, moi qui glisse sans poussée vers l'extérieur de la courbe.
Je suis paralysé par la peur, je sais que 2 autres motos arrivent à fond et que je suis en train de perdre complètement le contrôle de la situation.
Dans ma tête, surgit l'image du couple conique qui se bloque et je m'attend d'une seconde à l'autre à partir en toupie.
Je débraye, une moto me passe à droite tandis que j'entends le pneu arrière de l'autre chuinter dans un freinage d'urgence et j'entend son moteur hurler.
La deuxieme moto me frôle et passe dans l'herbe, je regarde la moto qui guidonne méchamment m'attendant à la chute mais le pilote réussit à la remettre sur la piste.
Il ralenti encore et, sans doute furieux, me montre le poing... je suis dans l'herbe complètement à l'extérieur.
J'ai chaud, trés chaud.
La moto s'arrête, je remarque que ma botte gauche est chaude d'huile.
De l'huile il y en a partout.
Le reniflard a pratiquement sauté en l'air comme un bouchon.
Quelques motos passent encore lentement et je pousse la moto, n'attendant pas la voiture balai qui viendra nettoyer la piste....
Bientôt, je suis rejoint par mon pote en rdlc.
"Qu'est ce qu'il t'arrive?" me demande t'il en poussant.
" Sait pas....j'ai explosé le moteur. Oh putain .. et toi tu t'es arrêté ?"
" Moi, j'ai percé.. rigole mon pote qui n'en est pas à sa première fois.
"L'autre en 500 rg, c'est pire! il s'est viandé."

Penaud, je ramène la moto.
En fait une soupape d'échappement s'est coupée.
La tulipe tombant dans le cylindre a explosé le piston et la chemise.
L'embiellage est à revoir.
J'ai gagné ma journée.

Pour ramener la moto, un mec me la mit sur une remorque.
Comme un con j'ai passé la sangle sur la selle ce qui fait que la moto a glissé, déchiré sa selle et explosé ses clignos en tombant: la totale quoi !

J'avais une belle moto et maintenant dans mon garage je contemplais abasourdi l'épave qu'elle était devenue en quelque minutes... c'était sa dernière arsouille, mais ce n'était pas mon premier moteur explosé, loin de là.... :)))