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NC 2037...
Par Georges

Mise à jour: 1er novembre 2010
 
 

Ah, enfin, cette fois ci, ça y est.
Depuis le temps qu'on attendait ça, on va avoir un cru exceptionnel cette année.
La NC 2037 est particulière à plus d'un titre.
Une concentre uniquement Vintage.
Avec pratiquement que des motos du vingtième siècle.
Et grâce aux efforts de l'AMPED (Association des Motards Purs Et Durs), on va pouvoir rouler comme avant.
Réellement comme avant.
Deux cents kilomètres de petites routes viroleuses réservées rien que pour nous pendant une semaine !
Après huit longues années d'efforts, le gouvernement européen a accepté de nous faire ce plaisir, qui donnera d'ailleurs lieu à une retransmission télévisée.
On attend 200 motos pour cette aventure.
Enfin, c'est ce que disent les médias.
Parce que pour nous, les vieux de la vieille, ce n'est pas une aventure, juste rouler entre potes comme autrefois, sans les nucs, ni tous ces artifices électroniques qui annulent les risques et empêchent tout accident.
Mais les jeunes ne savent pas ça.
Pour eux, imaginer rouler sur des motos, des vraies, sans aucune protection et sans aide d'ordinateurs, ça leur parait aussi dangereux que d'affronter des lions à main nue dans une arène...
Eh oui, les temps ont bien changé.
Et me voila, maintenant, roulant tranquillement sur l'autoroute à un petit 240, sur mon bon vieux ZX12R de 37 ans d'âge...
Il passera son million de kilomètres pendant la NC.
Oh, bien sûr, il n'en est pas à son premier moteur, loin de là.
Même le cadre a dû être changé, il y a cinq ans.
Il n'y a pratiquement plus rien d'origine.
Les demi guidons, et peut-être quelques bricoles à droite à gauche...
Mais c'est le même qu'avant, il est comme neuf.
Tout en pièces d'origine (sauf bien sûr les pneus et la batterie, remplacés par les éléments obligatoires pour rouler sur la voie publique).
Il n'y en a plus que 4 en Europe.
Et tous viennent à la NC.
Les 2 Hayabusa restantes seront aussi de la partie...
Ca sent l'arsouille à plein nez ! On va pourrir le R1 Club !!!

Mais bon, pour le moment, je roule tranquille sur la file de droite de l'autoroute.
Dans mon casque, l'ordinateur de bord m'indique sur l'affichage tête haute que tout est tranquille.
La plupart des nucs qui me dépassent sont surlignés de bleu, indiquant qu'ils sont en pilotage automatique.
Je suis condamné à rester sur la file de droite, pour ne pas bouchonner les nucs qui me doublent parfois à plus de 400 km/h.
Tiens, d'ailleurs, en voila un.
C'est un monotrace.
Les premiers, je m'en souviens, on les a appelé des motos, mais très vite ça s'est perdu... normal, ça n'a rien à voir avec une moto cet engin là.
A part le fait que c'est monoplace et que ça a deux roues, je ne vois pas ce qu'on peut comparer.

Mon afficheur l'indique venant de l'arrière, en progression rapide.
Vitesse : 430 km/h.
L'alarme clignote, il est en vert, ce qui veut dire en semi-automatique, comme moi.
Normal pour un monotrace, où on n'a pas la place de bouger et où on ne peut pas faire grand chose d'autre que conduire pour passer le temps.
De toute façon, même en semi-automatique, un nuc ne peut pas avoir d'accident, l'ordinateur prévoit tout et communique avec tous les engins sur la même route pour qu'il n'y ait jamais de collision.
Il n'est même plus possible de se suicider...
Enfin, si, ça reste possible, mais uniquement avec les Vintages, comme mon ZX12R.

L'un des intérêts des Vintages, c'est que même si la loi nous oblige à avoir un module anti-interception comme celui que j'ai dans mon casque, il nous reste la possibilité de le débrancher temporairement...
Je sais, c'est très mal vu, et tout le monde autour le sait à cause du halo rouge qui m'entoure dans leurs afficheurs.
Comme si j'allais provoquer un accident volontairement ! N'importe quoi !
Ce privilège, ça nous vient encore de l'AMPED.

Ils ont réussi à démonter que sur un véhicule qui n'était pas conçu d'origine avec l'anti-intercepteur, il était d'une part impossible de garantir qu'il n'y aurait pas d'accident, et d'autre part, un conducteur expérimenté s'en sortait nettement mieux que l'optronique en cas d'urgence.
Et de toute façon, l'émetteur du champ de forces de protection ne peut jamais être désactivé... sauf pendant cette NC !

Tout ça a beaucoup évolué ces vingt cinq dernières années.

En fait, ça a précisément commencé en 2012, lorsque Tatiana Grouchenka a inventé le champ de forces.
Bon, ça porte un autre nom en réalité, un nom scientifique super compliqué, que personne n'a retenu.
Je crois que c' est un journaliste qui a récupéré le terme « champ de forces » dans des bouquins de science fiction, et c'est resté.
A partir de là, tout est allé très vite.
Les champs de forces ont permis de réaliser la fusion nucléaire à faible coût, parce qu'aucun matériau ne résistait longtemps aux pressions et aux températures nécessaires à l'entretien de la fusion.
Très vite, le système entier a pu être miniaturisé, fiabilisé, et l'énergie est devenue presque gratuite, puisque les réacteurs à fusion consomment de l'eau pure.
Aujourd'hui, il n'y a donc pratiquement plus de véhicules thermiques.
Seule la motorisation nucléaire est autorisée dans les transports, et les nucs ont remplacé les voitures et les motos.
C'est nettement moins cher, ça ne pollue pas, et la disponibilité d'une énergie abondante et quasi gratuite a permis d'équiper les véhicules de toute sorte de systèmes de sécurité.

Il n'est pas rare de voir des nucs monotrace dont la puissance atteint plusieurs mégawatts.

Autrefois, on aurait parlé de milliers de chevaux...

Mais on a quand même eu le droit de garder les Vintages, les véhicules de collection.
Et franchement, même si l'entretien d'un ZX12R de 37 ans et presque un million de kilomètre coûte la peau des fesses, ça reste un plaisir de conduite inégalable par un nuc monotrace.

J'en ai eu un pendant quelques années.
Je n'ai pas aimé ce truc.

C'est vrai, ça approche les 500 km/h, ça tient la route parfaitement, la puissance de freinage n'est limitée que par la résistance du corps humain à l'accélération, mais ce n'est pas naturel.
Avec tous les systèmes de vision assistée, de calculs de trajectoire et d' anti-collision, ça donne vraiment l'impression de jouer à un jeu vidéo en étant balloté dans tous les sens par un manège.
Vraiment rien à voir avec une moto.
D'ailleurs, même si un nuc monotrace prend de l'angle, il s'appuie aussi sur des champs de forces additionnels, ce qui procure quand même des accélérations latérales, comme dans une vulgaire caisse...

Très désagréable...

D'ailleurs, même avec le 12R, il y a des plaisirs interdits, puisqu'on ne peut plus utiliser de pneus d'époque.
Interdit !
On ne peut plus rouler sur la route qu'avec les techno-carcasses auto-adaptatives qu'on trouve sur les nucs.
Les gens appellent toujours ça des pneus, mais ça n'a rien à voir.
Ces enveloppes ont leur propre générateur à fusion intégré, et génèrent des champs de forces sur lesquels la jante s'appuie pour effectuer le contact avec le sol.
Les champs de forces épousent le sol et sont toujours à plat, quoi qu'il arrive.
Même avec une moto ancienne, et quel que soit l'angle qu' on prend, la surface de contact et le coefficient d'adhérence sont tels qu'on ne peut jamais déraper, quoi qu'on fasse.
On peut même faire des stoppies sur le verglas, ou des wheelings sur un gazon mouillé.
Au début, ces caractéristiques m'avaient emballé, mais à l'usage, on s'en lasse vite.

Disparue la glisse.

Disparu le dosage des commandes.

Les seules limites sont l'angle qu'on peut prendre avant de poser le cale pied, l'accélération possible sans faire de wheeling, et le freinage est limité par le départ en stoppie.
C'est sûr, ça limite grandement les risques, mais ça enlève tout le plaisir du pilotage...

Au moins, pendant la NC, on aura le droit d'utiliser des pneus normaux, à l'ancienne.

Les principaux manufacturiers ont relancé les chaînes de production, et ont moulé quelques milliers d'enveloppes.
Ils seront tous là pour nous en fournir à volonté, et assurer le montage.
Ah, j'en salive d'avance !
Retrouver le plaisir de la glisse à l'accélération sur l'angle, pouvoir à nouveau chercher la limite ! Quel bonheur en perspective !
Surtout quand je pense qu'on pourra aller tourner sur le circuit du Luc dans cette configuration pendant une journée !!!

Alors me voila sur l'autoroute, direction les gorges du Verdon, comme en 2001.
Dire qu'aujourd'hui, je suis obligé de rester sur la file de droite, pour éviter de gêner les nucs qui croisent à plus de 300 km/h.
Autrefois, c'étaient les camions qui monopolisaient la file des escargots.

Ca a bien changé, depuis leur disparition.

Tout le fret transite par train maintenant.

Mais non, je ne vais pas regretter ça quand même. La nostalgie a ses limites tout de même !

Oh là, une alarme s'allume sur ma visière.
Il y a devant moi un véhicule qui se traîne à 80 km/h sur ma file.
Je freine, car l'anti intercepteur m'indique que je ne peux pas changer de file.
Il faut freiner fort, à 240.
C'est une caisse.
Pas un nuc, une caisse Vintage.
Une véritable Cadillac Eldorado de 1956, rouge.
Elle est décapotée, je peux voir que c'est un vieux couple qui se promène.
Je prend le temps de l'admirer, on n'en voit pratiquement plus.

Mais c'est pas le tout, j'ai encore de la route.

Du menton, je sélectionne le gestionnaire de fenêtre de dépassement.
Il m' indique que j'ai 37 secondes pour doubler la Cad avant qu'un nuc n' arrive sur moi.
Parfait, j'aurais le temps de leur faire un petit signe au passage.
Ils me saluent eux aussi, avec de grands sourires.
Les vintages sont désormais tellement rares, qu'automobilistes ou motards, on se sent maintenant faire partie de la même famille.

Ca, c'est un vrai changement d'époque...

Bon, allez, histoire de, je me fais une petite pointe avant de sortir de l'autoroute à Grenoble.

Le 12R prend encore presque 340, mais ça ne m' empêche pas de me faire doubler par tous les nucs monospaces emportant monsieur Tout-le-monde avec sa petite famille en week-end sur la côte d' azur...
Ah, enfin, c'est ma sortie.
Je vais enfin pouvoir prendre la route Napoléon pour rejoindre Castellane.

Et qui sait, peut-être que je verrais quelques motards et qu'on pourra commencer à arsouiller ?


Grenoble.
Bon, je commence à manquer d'essence, moi.
Va falloir faire le plein, et avec la disparition des stations services, ce n'est pas toujours facile.
Au moins, je sais où se trouve le plus proche Relais Thermique, seul endroit où on peut encore trouver des carburants à base de pétrole.

Un Relais Thermique, c'est une adresse où on peut trouver du carburant.
En fait, ça peut être n'importe quoi. Un garage, une épicerie, ou tout simplement chez un particulier. D'ailleurs, j'en tiens un moi-même, et même si je n'ai pas de « clients » tous les jours, c'est toujours un plaisir de rencontrer d'autres passionnés de Vintages.

Le Relais vers lequel je me dirige est celui de Joinz.
Ca fait un moment qu 'on ne s'est pas vus, on n'a pas trop roulé dans nos régions respectives ces derniers temps... Ca va être l'occasion de prendre une petite mousse avant de partir pour la NC !
Arrivé chez Joinz, j'ai à peine le temps de garer la moto et d'enlever mon casque qu'il est déjà sorti, ayant reconnu le bruit caractéristique d'un moteur à pistons.
Après les salutations d'usage, il m'annonce qu'il y a déjà plusieurs motards en route pour la NC en train de discuter dans son salon.
Bref, je rentre la moto dans la cour, près du fût de 200 litre pour qu'on fasse le plein, et au passage, j'en profite pour jeter un oeil sur les bécanes des copains.
Je reconnais le XX de Serge, qui a déjà dépassé ses deux millions de kilomètres, la Béhème de papy Tricé, toujours vaillante, et même le moustique de Bip Bip. Quel sale menteur celui là, il disait que son petit deux temps ne ferait jamais le voyage, et qu'il prendrait la Kawa. Il a dû voir le mot « circuit » sur la description de la NC et se faire violence pour se taper la route avec le RS 250.
Joinz me dit que toutes les autres bécanes sont garées sur un parking un peu plus loin, faute de place, mais que tout le monde est là et qu'un départ groupé est prévu dans une heure, si ça m'intéresse.
Je suis accueilli en fanfare par une large troupe de motards.
Serge/XX, Tricé avec son épouse, Bip Bip, Gégé l'aspi, Tintin, Shooting Star, mais aussi le célèbre sdg, qui accepte pourtant rarement de se commettre avec des japoniaiseux...

Oui, j'ai fait bonne route, le 12R marche bien, tout baigne, bref, salutations d'usage.

Marco n'est pas là, il est resté à Paris pour finir d'organiser une surprise avec BMW France.

De fil en aiguille, la conversation vient à porter sur le fait qu'il y aura un gros paquet de faux Vintages, et beaucoup y sont opposés et ne se sont pas privés de l'exprimer lors de la phase d'organisation.
La NC aurait dû être réservée aux vrais seulement.
Mais bon, on n'aurait pas été bien nombreux, et ça aurait sans doute été dommage.

Les faux Vintages, c'est un débat qui dure depuis plus de dix ans, et il n'a rien perdu de sa vivacité.

Avec les nouvelles lois mondiales interdisant la production de véhicules à moteur thermique, mais autorisant la préservation des modèles existants, BMW a eu l'idée de récupérer toutes les épaves avec cartes grises, chez des particuliers comme chez les casseurs, et de les reconstruire à neuf, à l'identique de l'origine.
Ainsi, on pouvait acheter des bécanes techniquement neuves, mais officiellement d'occasion, datant de presque un siècle parfois.
Elles avaient juste été adaptées au niveau des roues et des freins pour obtenir leur certificat de circulabilité, le sésame obligé pour rouler sur la voie publique.

Bien sûr, toutes les marques avaient emboîté le pas, et les japonaises, comme les européennes, avaient de nouveau rejoint les concessions spécialisées.
Mais les motards purs et durs ne juraient toujours que par les vrais Vintages, maintenus en état par leur propriétaire d'origine, sans jamais être repassés par l'usine.
Parmi nous, seul Papy Tricé avait un faux Vintage.
Un accident bête dû à une panne d'anti-collision dans un nuc il y a une vingtaine d'années l'avait obligé à reconditionner complètement sa moto, et il avait dû, à regrets, la faire passer par l' usine pour la remettre en état.

J'ai appris ainsi où en était les autres.
Silver Triple avait décidé de passer chez Tromph et Djeel pour les rameuter dans le Verdon.
Tromph prétextait avoir trop de réparations à faire sur sa 900 pour prendre la route, alors Marc espérait bien le convaincre de mettre les bouchées doubles, coup de main à l'appui, pour qu'il fasse partie de l'aventure.
Jésus était déjà sur place, attendant les premiers arrivants.

Le signal du départ allait bientôt être donné.
On finit les verres, et deux groupes se forment.
Les arsouilleurs décident de partir devant, pendant que les autres (et certains qui ont bu quelques verres de trop), rouleront tranquillement en automatique pour profiter du paysage magnifique des Alpes de Haute Provence...

Je pars donc avec le groupe de tête, bien décidé à en découdre sur la route Napoléon.
Bip Bip est pressé d'en découdre, Tintin et Shooting se préparent mentalement en simulant des promesses de pourrissages bien saignants, Gégé l'Aspi fait celui qui n'a pas l'intention d'attaquer, et qui va juste suivre le mouvement, mais évidemment, personne n'y croit !
Tintin met en marche son Hayabusa, une petite folie qu'il s'est offerte d'occasion juste avant l'interdiction des Thermiques, mais qui reste néanmoins une vraie Vintage.
Il échange un regard complice avec Serge/XX, déjà prêt pour le départ.
Gégé fait chauffer son SP1, qui n'en est qu'à son second moteur (bien qu'équipé du kit endurance HRC, ça reste très fiable une Honda !).
Quant à lui, Shooting Star fait une dernière inspection visuelle de son chaton avant de l'enfourcher.
Bip Bip kicke son kipu dans une inévitable et bienheureuse odeur d'huile brûlée, et c'est bon dernier que je démarre, fermant la marche du groupe pour sortir de l'agglomération grenobloise.

Je sens que l'arsouille va être particulièrement saignante.
A quelques menus détails, je sais d'avance que ça va se jouer entre Bip Bip, Gégé, et moi.
On a souvent tourné ensemble, et on sait s'y prendre pour faire les cons.
J'ai bien vu qu'ils étaient les seuls, avec moi, à avoir prévu les sliders de coudes.
Et tels que je les connais, ils ont fait comme moi et relevés leurs bécanes en durcissant les suspensions au maximum, pour pouvoir prendre un maximum d'angle.
Dans le sinueux, Bip Bip devrait être l'homme à abattre, et je sens que l'explication entre Gégé, Tintin, Serge et moi va tourner à la course de dragsters au moindre bout droit...

Le temps de retourner ces pensées sournoises dans mon esprit tortueux, on est sorti de la ville et on attaque la route Napoléon.

Dans mon afficheur, je vois le halo de Bip Bip, passé en tête du groupe, passer en rouge, preuve qu'il est passé en mode manuel.
Au même instant, un léger nuage bleu s'échappe de ses pots, c'est le signal du départ.
Tout le monde passe en manuel et met gaz.

Accrochez-vous, c'est parti !

Comme il a mis gaz le premier, Bip Bip arrive à conserver son avantage jusqu'au premier virage.
Il vire en tête et reprend un peu de champ sur Gégé et Tintin qui prennent moins d'angle.
Serge est juste un poil derrière, il n'a pas pu prendre autant d'angle avec le XX, trop bas et trop mou de suspension.
Pour le moment, je n'attaque pas encore.
Je suis resté juste derrière le chaton, un poil en retrait des missiles, mais Shooting est déjà remonté sur Serge dans la courbe.
La seconde ligne droite est un poil longue.
Bip Bip se fait fumer par Tintin, et Gégé les passe tous les deux au freinage pour une épingle à gauche.
Ils sont à trois de front au moment de la mise sur l'angle.
Chaud !
Je passe Shooting dans la ligne droite pour ne pas perdre Serge, mais alors que je lui fait un extérieur, il racle copieusement et est obligé d'élargir, me poussant à l'extérieur.
Je dois couper, et le chaton nous repasse tous les deux par l'intérieur.
Me voila bon dernier, et j'ai déjà perdu de vue la tête de file.
Mon petit Georges, va falloir se cracher dans les pognes, on n'est pas encore vraiment dans le sinueux, et si Bip Bip et Gégé creusent l'écart, ça va vite devenir irrattrapable !
Mais Serge est quand même un sacré client, et le XX freine mieux que le 12R.
Va falloir le passer en courbe ou en sortie de courbe, il n'y aura plus de lignes droites assez longues pour que la puissance du 12R fasse suffisamment la différence...
Tiens, le prochain gauche est très rapide, en sortie d'un droit très lent en aveugle.
Je ne freine pas, je garde les gaz.
Déhanché minimal, je jette la moto par terre, genou et coude à terre, la tête bien penchée vers l'intérieur pour que le carénage ne racle pas, ce qui m'obligerait à élargir.
Je garde les gaz à la limite du wheeling, copieusement en appui sur les champs de force générés par les enveloppes.
Serge est passé.
Dans la foulée, je me fais Shooting à la sortie de la courbe suivante.
Un excès d'optimisme lors de sa remontée sur Tintin lui a fait poser le carénage par terre, l'obligeant à couper pour ne pas sortir de la route.
Je suis sûr qu'il regrette de ne pas avoir mis de sliders de coudes !
Je vois maintenant le feu arrière de Tintin, loin devant moi, à la poursuite de Bip Bip.
Ca me fait marrer de voir que Tintin freine en entrée de courbe, alors que le feu arrière de l'Aprilia reste obstinément éteint.
Je reconnais bien le style de Bip Bip, là !
Mais bon, il faut que je reste concentré.
Je ne prend pas de risques, on a de la borne à se taper, j'ai tout mon temps pour remonter sur les trois rascals.

Quelques kilomètres plus loin, je n 'ai toujours pas regagné un centimètre.
Je ne vois Tintin au freinage qu'en sortant de ma courbe. Il a dans les quatre cents mètres d'avance. Soudain, lors d'un freinage violent avant une épingle, je vois du coin de l'oeil une roue avant qui se porte à ma hauteur.
Shooting ? Serge ?
Aucune idée, j'ai pas eu le temps de voir. J'ai lâché les freins et jeté le 12R par terre.
Merde, je viens de niquer ma peinture de carénage !
Tant pis, c'est fait, c'est fait, s'agirait pas de l'avoir fait pour rien.
Je dose les gaz pour garder le carénage au sol et sortir de l' épingle le plus fort possible, à fond de première, tous sliders par terre.
Je sors dans l'herbe, c'est pas grave, les pneus tiennent quand même hors du bitume. C'est pas très propre et je sens qu'à l'arrivée, on va me pourrir pour mes méthodes à la limite de la triche, mais bon, j' avais pas le choix si je voulais rester devant. Du coup, je n'entend plus parler des autres, derrière, et j'ai bien repris cent mètres à l'Hayabusa. Je vois même au passage Bip Bip et Gégé, en pleine courbe, et visiblement les deux bécanes s'appuient l'une sur l'autre.
C'est ce qu'on appelle un intérieur saignant !
J'ai enfin pris mon rythme, et je remonte sur les trois gorets comme une balle.
Je suis au mieux de ma forme, et seul un Fast Philou pourrait prétendre à me pourrir, aujourd'hui.

Peut-être.
C'est même pas sûr.

Malheureusement, il n'est pas avec nous, il faudra attendre le Verdon pour qu'on s'explique entre hommes... Mais que vois-je au loin, après le grand gauche ? Un joli pif paf bien serré.
Une occasion en or pour me faire Tintin et remonter sur les hommes de tête.
Il faut d'abord remonter suffisamment sur la Suz, et là, coup de bol, un nuc égaré arrive en face à grande vitesse.
Il croise Tintin au milieu de la courbe, l'empêchant de prendre toute la largeur de la route pour trajecter.
Le nuc me croise juste après, en ligne droite.
J'ai donc le champ libre pour une trajectoire parfaite et je passe avec vingt bornes de mieux que la Suzuki. Au freinage du pif paf, je n'ai aucune difficulté à me porter à la hauteur de Tintin, visiblement surpris de ma présence. Je lâche les freins plus tôt, et je jette la moto dans le pif, tant pis pour la peinture du carénage, en soignant une sortie bien à l'intérieur pour trajecter au mieux dans le paf et en ressortir comme une balle.
Enrhumé le Tintin.

Reste les deux porcs, devant.

Depuis plusieurs kilomètres, les courbes serrées et les courtes lignes droites s'enchaînent à merveille pour que les qualités du SP1 et du RS250 puissent s'exprimer à égalité parfaite, et ils roulent ensemble depuis un moment, se passant et se repassant à tour de rôle.
Mes deux clients sont de rudes adversaires, et en les observant, je note qu'ils se connaissent parfaitement et n'hésitent pas à se faire quelques coups bas... C'est très très chaud !
Normalement, vu la route, le 12R n' a aucune chance de faire la différence.
Mais comme ils sont en bataille, ils se gênent mutuellement et perdent du temps. Petit à petit, je les remonte, mètre par mètre, attendant sournoisement mon heure pour les passer tous les deux par surprise, d'un seul coup si possible. Malheureusement, on arrive à un village, et Bip Bip qui était en tête à ce moment là lève la main, faisant signe que la bourre est terminée.
Il est temps de faire le plein, j'approche déjà de la réserve alors qu'on n'a même pas fait 120 bornes...
Je suis essoufflé, en nage...

Dans mes rétros, je vois Serge et Shooting passer Tintin d'un coup d'un seul.
Ils n'ont pas vu les mains levées et sont obligés de freiner en stoppie pour ne pas faire un strike !
Nous entrons bien sagement dans le village, afin de trouver le Relais Thermique du coin.
Mais que vois-je en arrivant au relais ?
Une RSV 1000 en train de faire le plein.
C'est Fast Philou !
S'il est partant pour se joindre à nous, je sens que la suite du trajet va être un pur bonheur
et qu'on pourra commencer à arsouiller ?


Philou vient juste de finir de faire le plein, et il nous accueille avec le responsable du Relais Thermique.
On pose les bécanes, et les cliquettements des moteurs et des échappements qui refroidissent attirent la remarque habituelle: elle a dû être bien saignante, cette bourre !
Evidemment, tous en nage et bien essoufflés, on ment comme de vrais motards en évoquant plutôt une promenade de santé pour les vieillards que nous sommes...

On fait donc le plein des machines, et voyant nos combines, le responsable du Relais propose à Gégé et Bip Bip de leur vendre des sliders neufs, vu qu'après ce petit trajet, les leurs sont plus que bouffés.

Malheureusement, Philou n'est pas partant pour une grosse arsouille.
Il est parti des Vosges à la bourre ce matin et n'a pas pris le temps de s'arrêter pour souffler.
Il ne serait pas prudent d'attaquer comme un goret sous le coup de la fatigue, ça porte malheur dans les derniers kilomètres !

Là dessus, l'autre moitié du groupe parti de chez Joinz nous rejoint à ce moment là, Papy Tricé en tête.
Bien évidemment, eux non plus n'ont pas attaqué, et si on les écoutaient, ils se seraient même traînés grave, parce que sans panneau Redon sous la main, le coeur n'y était pas...
C'est cela, oui...

Bon, c'est pas le tout, il commence à se faire tard, et on a encore de la borne à se taper pour arriver à Castellane.
Pas question de rater l'apéro de bienvenue !
Tout le monde en selle !

C'est parti pour une balade en convoi rapide, en mode automatique.
Comme je sens qu'on va se faire chier grave au rythme des brêles de nains, et que je n'ai pas eu mon compte de sensations pour la journée, je décide de me prendre une petite pilule de ralentisseur d'influx nerveux, et j'en propose à la ronde.
Quelques uns m'en prennent une, histoire de se faire un petit shoot d'adrénaline en cours de route.
Ces pilules sont vraiment géniales.
A la base, c'est un calmant très puissant qui a été conçu pour traiter certaines maladies nerveuses particulièrement aiguës.
Pendant les tests sur les sujets sains, on s'est aperçu qu'outre une totale innocuité, ce médicament avait la propriété de modifier la perception du temps.
Bref, quand on en prend, on a l'impression que tout se passe beaucoup plus vite qu'en réalité.

Beaucoup de gens ont pris goût à ce truc, en particulier en montant dans des véhicules pilotés en automatique sur des routes bien sinueuses.
Comme ça multiplie la sensation de vitesse par deux ou trois, ça donne vraiment l'impression que les virages vous sautent à la gueule, qu'on va se tuer, et pourtant c'est absolument sans danger tant qu'on reste en mode full automatique.

Alors comme la route est sinueuse et qu'on va rouler en convoi, ce sera à la fois le moyen de prendre un shoot à l'adrénaline, et en même temps de réduire à vingt minutes apparentes l'heure effective de trajet qui nous attend...

Arrivés sur les lieux, nous sommes accueillis à bras ouverts par Jésus lui-même, grand ordonnateur des festivités.
Il se marre en voyant que plusieurs d'entre nous sont encore bien shootés.
Facile à voir, avec ce truc, la diction devient très lente...

On peut s'installer tranquillement dans les gîtes qu'on avait réservés, histoire de prendre une bonne douche avant de se joindre aux autres pour un méga-apéro.
La douche m'aide à dissiper les effets de la drogue, et je suis maintenant en pleine forme pour passer une soirée d'enfer.
Je vois en sortant que Marco est arrivé avec le staff de BMW France, et ils sont en train de s'installer sur la place centrale.
Ah ! La voila la fameuse surprise !
Ils ont remis en état neuf des machines anciennes de compétition.

Les flats les plus titrés sont tous présents, et déjà un attroupement se forme autour des camions, chacun étant prêt à donner un coup de main pour accélérer le mouvement.
J'ai l'insigne privilège de pouvoir toucher le flat 1200 prototype qui malgré ses qualités n'avait pas pu se qualifier aux 24 heures du Mans 2000.

Machine singulière et mythique que les amateurs entourent immédiatement.

Belle bête, assurément.

Mais que vois-je ?
Les pneus sont bizarres.
Ca ressemble à des pneus d'époque, des Pirelli Super Corsa softs.
Au moins, ils ont eu le bon goût de ne pas y mettre des enveloppes émettrices de champs de force.
Par contre, ces pneus ont une particularité, on peut y voir de discrets tétons anodisés noirs régulièrement espacés sur les flancs, tous les dix centimètres environ.
La bande de roulement est par contre dépourvue de tout artifice, et semble parfaitement normale.
Intrigué, je m'approche d 'un des responsables du staff technique pour lui demander de quoi il s' agit, mais il élude ma question et conserve un sourire énigmatique...
C' est une surprise, et je saurais de quoi il s'agit, mais plus tard, en temps et en heure, me dit-il...
Curieux, tout ça.
Je regarde alors les autres machines de courses, et elles sont toutes équipées de ces pneus bizarres.
Uniquement des Pirelli.

D'autres que moi ont également remarqué la chose, et les suppositions vont bon train.
Marco lui-même ne veut rien dire à ce propos, et quiconque le connaît sait qu'il est impossible de lui faire cracher le morceau quand il a décidé qu'il garderait un secret.
Il me dit juste de ne pas m'inquiéter pour ça, et qu'il peut juste me promettre que ça va me plaire...

J'enrage, mais visiblement je n'en saurais pas plus pour l'instant.

Il va falloir ruser.
Je commence donc à envisager d'abreuver Marco de Guinness pour le faire parler...
Direction l'apéro, donc.
Même si ça me coûte un fût entier de breuvage irlandais, il va se mettre à table, foi de Georges !

Pratiquement tout le monde est arrivé, d'après Jésus.
Mais nous sommes quand même presque cinq cents, et il va être difficile de retrouver tous les potes avec qui j'ai envie de discuter le bout de gras dès le premier soir.

Curieux de savoir ce qu'il en est pour les pneus, je file Marco à la trace, et me retrouve dans un groupe de purs et durs.
Sdg, Tricé, Mogwaï, Tintin, et plein d'autres à proximité immédiate.
Il y a pas mal de jolies filles alentour, et peut-être que mon charme agira, qui sait...

En fait, nous devrions être un groupe de vieux croulants, mais après l'accident de la MediCorp, on n'arrive plus vraiment à donner un âge aux gens.
C'était en 2017, et certains ont cru que cet accident de laboratoire aurait pu décimer l'humanité.
Ca a fait tout un foin à l'époque !
Je m'en souviens comme si c'était hier.
Des chercheurs de la MediCorp travaillaient sur les mécanismes du vieillissement des cellules, et avaient trouvé les gênes responsable de la détérioration du patrimoine génétique au fur et à mesure que les cellules se divisent.
Ils ont trouvé le moyen de remettre à neuf l'ADN des cellules issues d'une division, et ont commencé les tests en laboratoire sur des petits mammifères.
Techniquement, comme il faut toucher toutes les cellules d' un organisme, ils avaient créé un virus capable de se multiplier rapidement pour qu'il soit présent dans toutes les cellules de l'organisme, dès leur division.
Un virus particulièrement virulent était donc nécessaire.
Et un jour, le virus est sorti du laboratoire, et s'est répandu dans la nature.
Tous les mammifères ont été infectés, et comme aucun test sur l'homme n'avait été fait, on a longtemps craint le pire car les effets secondaires n'avaient pas pu être mesurés.
Certains ont même cherché des vaccins, mais le temps de les trouver, personne ne voulait plus en prendre.
Les gens se sont mis à ne plus vieillir, et pour les plus âgés, on a même constaté qu'ils rajeunissaient jusqu'à un âge physiologique d'environ trente à quarante ans.

Qui aurait voulu se vacciner pour empêcher ça ?

Seuls les enfants continuaient à vieillir jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge adulte.
Certains ont cru à l'immortalité, mais on sait désormais que ce n'est pas le cas.
Au bout d'un moment, le virus ne peut plus rien pour endiguer la dégradation des cellules.
Le corps se délabre rapidement, et en quelques mois, c'est la mort.
Mais au moins, presque jusqu'aux derniers instants de la vie, on est tous en pleine forme, jeunes et bien portants, et on pense que l'espérance de vie est désormais d'environ cent vingt à cent trente ans.
L 'ironie de l'histoire, c'est que la MediCorp pensait gagner des milliards avec ce sérum de jouvence, mais comme il s'est répandu tout seul sur toute la planète, ils ont au contraire été ruinés suite aux nombreux procès lancés par des gens effrayés par le nouveau virus, avant qu'on s'aperçoive qu'il était bénéfique pour tout le monde.

Mais revenons à notre apéro.

J'en suis encore à essayer de saouler Marco, qui tient toujours aussi bien la Guinness, quand Chatmann s'approche de moi.
Il pense avoir trouvé une explication pour les pneus des BMW.
Selon lui, les électrodes sont les éléments externes d'un système de générateur de champs de force.
Ca permettrait d'avoir des enveloppes homologuées, fonctionnellement identiques aux autres, mais dont le look est très proche des gommes d'antan, pour conserver aux machines une apparence davantage Vintage.
Cette explication ne me convainc qu'à moitié.
En effet, en pinçant la gomme de l'ongle, j'ai pu constater qu'elles étaient aussi tendres que les gommes qu'on utilisaient autrefois.
Quel intérêt de mettre une gomme tendre sur une techno-structure inusable, qui obligerait à changer ces enveloppes hors de prix régulièrement ? Aucun intérêt ! Ce serait trop ruineux !
Chatmann évoque la possibilité de ne changer que la partie extérieure, ce qui permettrait de conserver le mécanisme interne de contrôle des champs de force.
Ouais, c'est envisageable.
Mais ça fait quand même cher payé pour le look.

Marco se marre doucement en écoutant notre dialogue:
- Et pourquoi vous sentez-vous obligé de croire que le champ de force doit fonctionner en permanence ? lâche-t-il en rigolant.
- Ah oui, c'est super, ça ! exulte Chatmann. Avec la gomme, on peut couper quand on veut les champs de force et se mettre en glisse !
- J'en doute, dis-je. Si on peut couper le champ de force, ça ne pourrait pas passer l'homologation. Or, l'ingénieur du staff BM m'a bien dit qu'ils finalisaient l'homologation pour la route. Non, décidément cette explication ne me convient pas. Mais on tient une piste, et on ne doit pas être bien loin de la vérité.
On se tourne alors vers Marco :
- Alors, tu le craches, le morceau ?
- Peut-être, fait-il en faisant tourner sa dernière gorgée de Guinness au fond de son verre avant de l'avaler d'un trait.

Voyant qu'il n'attend que ça, je pousse discrètement une nouvelle pinte dans sa direction.
Il lève son verre lentement, prenant le temps de jauger la parfaite couleur de son breuvage, la densité de la mousse, et boit une gorgée interminable, faisant longuement rouler la bière sous la langue avant de daigner l'avaler.
Il jubile et prend un malin plaisir à faire durer le suspens...
Finalement, il pose son verre, et déclare:
- En fait, les champs de force ne se déclenchent que quand c'est réellement nécessaire. Ils ne fonctionnent pas en permanence.
- Mais alors, fait Chatmann, quel intérêt si ça se déclenche pour éviter de glisser ?
- Je crois que je commence à comprendre, dis-je. C'est un peu comme l' ABS d'autrefois, qui n'empêchait pas complètement de déraper, mais qui empêchait juste que ça dure trop longtemps pour que ce soit dangereux. On doit pouvoir glisser un peu, juste assez pour se faire plaisir, mais sans pouvoir se bourrer.
Tricé s'est discrètement approché pour nous écouter, et c'est alors qu' il nous lance :
- Ah oui, quelle merde cet ABS ! J'ai eu plein de problème avec quand la RT était neuve, en plus l'option coûtait une fortune à l'époque, et maintenant elle ne sert plus à rien puisqu'on ne peut plus bloquer les roues.
Saleté !
Tout le monde se met à rigoler en entendant ça.
A 87 balais, Papy Tricé n'a rien perdu de son humour !

Mais j'ai besoin d'en savoir plus sur ces nouveaux pneus.
Ca doit quand même poser quelques problèmes de tenue de route, lors des passages du mode gommard au mode champ de force :
- Dis donc, Marco, si on part en glisse avec ce truc, quand les champs de force se déclenchent et raccrochent la brêle par terre, on doit facilement partir en high-side, non ?
- Bien vu, Georges, y'en a au moins un qui suit, fait-il.
C'était ça le gros problème.
Ca fait bientôt quinze ans que Pirelli et BM travaillent sur le sujet.
Ils ont réussi à trouver un moyen pour que les champs de force puissent glisser légèrement sur le sol.
En fait, ils ont travaillé sur les cycles de démarrage, et arrivent à gérer très finement les harmoniques afin que seules les lignes de fuites soient en contact avec le sol, ce qui augmente l'adhérence du pneu sans cependant verrouiller le champ de force à la surface du sol.
En fait, le champ de force proprement dit reste à quelques millimètres du sol, sauf dans les cas les plus extrêmes.
Quand il se met en marche, on le sent à peine, sauf si bien sûr on a vraiment été trop loin.
- Mais c'est génial, fait Tom4 ! Dès que c'est disponible, j'en monte une paire sur mon RVF400R et je vais tous vous pourrir, bande de lopettes !
Que de la gueule le Tom4. En vieillissant, il n'a pas changé. Toujours plus rapide à se vanter de ses exploits qu'à torcher une poignée de gaz dans le bon sens !
Je laisse à Chatmann le soin de le remettre à sa place :
- Ne rêve pas trop, Thomas, même avec des pneus en bois, un GPZ bien manié arrivera toujours à semer ta brêle de nain !

La conversation se poursuit sur quelques pourrissages bien sentis, quand le tech de chez BM vient trouver Marco :
- Bois pas trop, mec. Tu as encore du boulot ! N'oublie pas que tu dois me fournir la liste des volontaires pour les essais demain midi au plus tard.
Là dessus, il s'éclipse rapidement, laissant Marco aux prises avec les questions impatientes de tout le groupe.
C'est quoi ces essais ?
Il faut combien de volontaires ?
Les questions fusent.
Marco continue tranquillement à siroter sa bière :
- Du calme, les gamins. Pour le moment, je cause avec ma Guinness, et ça c'est sacré.

Tout le monde s'impatiente, certains même commencent à gueuler après Marco, dont l'impassibilité n'a pas diminué avec l'âge.
Après une descente interminable de sa Guinness, il finit par annoncer que dans deux jours, quelques amateurs triés sur le volet pourront essayer les machines de course amenées par le staff BMW sur le circuit du Castellet.
Le camion Pirelli est déjà sur place, pour faire des essais de pneus sur des Japonaises, et il y aura des essais clients prévus pour recueillir les impressions des consommateurs avec leurs propres bécanes.
Mais pour ça, c'est Ric-la-Rape qui s'en occupe.
Il faudra voir ça avec lui sur place après demain.
- Je suis volontaire ! fais-je immédiatement, tout excité. Pour les BM de course comme pour l'essai des pneus avec le 12R.
Evidemment, presque tout le monde est volontaire, et presse Marco de noter son nom sur la liste qu'il vient de sortir de sa poche.
Pendant ce temps, Gégé l'Aspi décroche son vid portable et appelle Ric-la-Rape pour être le premier inscrit sur la liste d'attente.
Je sens que la journée de demain va être interminable pour les amateurs de circuit, pressés que nous somme d'aller en découdre avec des pneus presque vrais, sur le circuit mythique du Castellet.
Je sens qu'avec le 12R, je vais tous les mettre minables dans la ligne droite du Mistral !



Ah, j'ai bien dormi, moi !
Je m'étire comme un chat dans la tiédeur du lit, et je commence même à envisager d'y traîner une heure ou deux.
Un coup d'oeil au réveil m'indique qu'il est déjà huit heures passées.
Bon, si on veut se faire une virée, il est temps de se lever pour aller prendre le petit dej' avec les autres.
Debout mon garçon, ce n'est pas un bon jour pour une grasse matinée.
Hop, douche, rasage, brossage des dents, et enfilage de la combine.
Ma bonne vieille combine avec les désormais célèbres étoiles jaunes, juste modifiée pour accepter des sliders aux coudes.
Au moins comme ça, je serais prêt à partir de suite.
Bon, pour les bottes, il faut déjà changer leurs sliders après la journée d'hier.
Heureusement que j'en avais prévu plusieurs paires !

Me voila fin prêt, direction la salle commune pour prendre des forces avant la grosse arsouille qui s'annonce.
Le soleil commence déjà à taper, et il me faut bien une minute avant de ne plus être aveuglé en sortant du gîte.

La journée s'annonce excellente !

Il y a du monde pour le petit dej'.
Je retrouve Tintin, Shooting Star, Gégé l'Aspi, Bip Bip, Kaf, Tom4, Alvin le Faiseur, Kirk, Silver Triple, Mash, et Pol Jan, attablés dans un coin.
Je m'enquiers des autres potes, mais beaucoup sont déjà partis pour se taper un max de bornes dans la journée.
Une troupe composée des béhèmistes et de plusieurs gelbicains s'est levée aux aurores pour aller arsouiller dans les alpes, et ils ont levé le camp vers six heures du matin.
Fast Philou, Tromph, Djeel et Tricé sont partis avec eux, ainsi que la Bête des Vosges et la Peste.
Merde, les Alpes, ça m'aurait bien plu, surtout qu'il n'y a pas que des manches dans le lot !
Enfin, à tout ce qu'on est, on va bien se trouver un plan sympa.

Gégé l'Aspi nous annonce que Ric-la-Rape doit arriver au Castellet en fin de matinée, pour donner un coup de main aux staffs Pirelli et Kawasaki, qui doivent tout préparer pour la journée de demain.
Après tout, pourquoi ne pas aller leur rendre une petite visite ?
Il y a environ deux cents bornes en prenant les petites routes pittoresques, on peut y être avant midi en roulant à bon rythme.
Tout le monde est partant, le projet est adopté à l'unanimité.

A la table d'à côté, trois jolies motardes, visiblement seules, nous ont entendu discuter, et nous demandent si elles peuvent se joindre à nous.
Evidemment qu'on les accepte !
On se présente donc mutuellement.
Agnès roule en ZX9R, Adeline en CBR900, et Corinne en R1. Elles ont l'habitude de rouler en groupe toutes les trois, alors ça ne devrait pas poser de problème.
Devinant leur fausse modestie en ce qui concerne leurs talents de pilotes, je me dis que certains d'entre nous risquent de souffrir dans leur virilité... Après tout, peut-être qu'une petite leçon sera salutaire pour calmer certaines mauvaises fois machistes récalcitrantes...

Je sors mon vid portable pour afficher la carte de la région et déterminer un itinéraire sympa pour rallier le Castellet.
On décide de prendre les petites routes jusqu'à Draguignan, en passant par Bargemon.
Ca a l'air bien sinueux là bas, et il y a deux cols à passer.
A Draguignan, il y a un Relais Thermique que nous ne manquerons pas de visiter, avant de prendre la direction de l'ouest, par Lorgues, pour atteindre Brignolles.
On n'aura plus qu'à descendre plein sud vers Signes, et de là vers le circuit du Castellet.

On finit rapidement les petits déjeuners, et ceux qui ne sont pas encore en cuirs vont s'habiller.
Mash a adapté un système de navigation GPS sur sa Ducati, alors c'est lui qui ouvrira la route, comme ça on est sûrs de ne pas faire cent bornes de détours et autres demi-tours, grande spécialité de Kirk qui voulait partir devant.
Merci, on a tous déjà donné !
Et puis de toute façon, Kirk n'a pas de système de navigation sur sa 996.
C'est une bonne excuse pour le reléguer à l'arrière plan, malgré ses protestations.

Nous voila donc à quinze motos, enfin prêts à partir après les quelques errements de rigueur.
Tom4 doit se trouver des sliders, il n'avait pas prévu de les bouffer rien qu'à l'aller.
Heureusement que les habitués ont prévu du rab, on peut le dépanner.
Kaf et Shooting Star n'avaient pas refait le plein hier soir, Tintin doit retendre sa chaîne, et Silver Triple s'inquiète de son niveau d'huile.
Bref, on n'est sur le départ que vers neuf heures et demie.
Au moins, les filles ont été irréprochables, et elles en profitent pour commencer à se moquer de certains d'entre nous...
Je me dis qu'on a de la chance de ne pas avoir de pneus Vintages, il aurait fallu faire les pressions d'au moins dix motos !

Mash part en tête, suivi des arsouilleurs patentés, puis des filles, et enfin des motards plus tranquilles.
Enfin, tranquilles, façon de parler !
Je décide de fermer la marche, afin d'observer le groupe et de voir s' il fonctionne bien comme ça ou si au contraire il faudra remanier les positions.
On a décidé de rouler assez librement, et Mash s'arrêtera à chaque bifurcation pour rassembler le groupe si c'est nécessaire.

La traversée de Castellane s'effectue en full automatique, à allure très réduite.
Jésus nous a demandé à tous hier soir de ne pas foutre le bordel dans la petite ville, afin que les habitants conservent une bonne image des motards de la NC.
Mash respecte la consigne à la lettre, et la traversée de la ville s'effectue sans aucun problème, sous les regards envieux des enfants et des jeunes du cru.

Une fois sortis de la ville, Kirk est le premier à passer en manuel.
Je le vois devenir rouge dans mon affichage tête haute, et il met gaz pour pourrir d'un coup Gégé, Bip Bip et Tom4 qui se sont laissés surprendre.
Aussitôt, ces trois là passent aussi en manuel, ainsi que Mash qui se décide enfin à envoyer la purée.
Les filles ne s'en laissent pas compter, et ce premier groupe commence à prendre un peu de champ.
Tous les autres se contentent de passer en semi-automatique, pour se faire plaisir sans risquer le moindre accident.
Mais c'est pas grave, on va quand même se la donner un peu.

Devant, le groupe des furieux attaque sans relâche, mais sans jamais passer Mash, comme convenu.
Le pauvre, me dis-je, il doit vraiment sentir qu'il a le feu au derrière, avec tous ces excités de la poignée de gaz ! D'ailleurs, il repasse rapidement en semi-automatique, pour ne pas risquer de se bourrer à cause de la pression.
Derrière lui, Gégé l' Aspi, Bip Bip, Tom4 et le Kirkounet se la pètent comme des gros gorets.
C'est à celui qui aura sa roue avant à moins d'un mètre du pauvre Mash, dont la ST2 manque un peu de ressources pour ce genre d'exercices.
Les filles se font plaisir à une ou deux longueurs derrière, sans chercher à se mêler aux gros nazes qui les précèdent.
De loin, au détour d'une courbe, je vois nos quatre essoreurs de poignée de gaz freiner côte à côte comme des porcs.
Quatre motos en stoppie côtes à côtes sur à peine plus de la largeur d'une voie, faut dire que ça tapote un peu des coudes et des épaules.
Visiblement, ça ne les refroidit pas, ils essayent quand même de passer la courbe de front, genous et coudes à terre, même si Bip Bip pousse un peu Tom4 dans l'herbe à la sortie du virage. Je crois même avoir vu Kirk donner un coup de botte à Gégé en lui faisant l'intérieur, mais à cette distance, je ne pourrais pas le jurer.

Pendant ce temps là, je reste coincé avec Silver Triple, Shooting Star, Alvin, Kaf, et Pol Jan.
Tintin devait commencer à s'ennuyer, parce qu'il a commencé sa remontée sur le groupe de tête, et il est déjà en train de recoller les trois filles.
Après, on les a perdus de vue, je ne sais pas comment ça s'est passé.
Toujours est-il qu'on les a rejoints sans bobos à l'entrée du Logis du Pin.
Les premiers arrivés ont tranquillement posé leurs bécanes, et font semblant d'être arrivés depuis une demi-heure.
Mon oeil !
Les bécanes émettent toujours des cliquettements de métal qui refroidit, et de toute façon, ça ne fait même pas une demi-heure qu'on est partis de Castellane.
On s'arrête tous quelques minutes, le temps de réorganiser le groupe.
C'est que de les avoir vu rouler comme ça, ça m'a donné envie, à moi aussi !
On va donc reformer les groupes.
On décide de rouler jusqu'à la bifurcation pour Bargemon dans le même ordre, à un rythme plus raisonnable, et on prendra la route des cols en deux groupes. Je rejoindrais donc les quatre furieux du départ, et Tintin aussi. Les filles partiront avec nous, et si elles n'arrivent pas à suivre, elle se laisseront rattraper par les autres, tout simplement.

Bon, on est reparti, et comme c'est surtout de la ligne droite avant la partie intéressante, on se cale sur un petit 200 par respect pour les brêles de nains poussives. Tom4 en profite bien sûr pour faire remarquer que ce n'est pas son RVF400R le plus lent, puisqu'il y a le RS250 de Bip Bip et la vénérable GPX 750 de Pol Jan qui vont moins vite que lui !

La liaison entre les deux spéciales, pardon, la portion de route plutôt droite avant la bifurcation, nous permet à tous de nous reposer un peu, tranquillement installés derrière les bulles et profitant du paysage magnifique de la région. Après avoir traversé tranquillement La Bastide, à petite vitesse bien entendu, on commence à approcher de l' embranchement. Mash ralentit en levant le bras, histoire de calmer le jeu et de reformer les groupes. On tourne à gauche, et les gaziers prennent la tête avant de s'envoler tous ensemble. Kirk n'attend pas, lui ! Il essore la poignée de sa 996 et part comme une balle, suivi de Corinne, Agnès et Adeline, également prompte à la remise des gaz. Bip Bip profite de l'aspi des quatre bécanes devant lui pour ne pas se faire larguer, mais Gégé arrive quand même à le passer. Pour l'instant, je me contente de rester derrière lui. Après quelques virages, il y a une ligne droite assez longue. Je reste derrière Bip Bip, et Tintin suivi de Tom4 me passent à leur tour sans problème, tirant un peu le pauvre moustique derrière eux, mais pas assez pour qu'il garde le contact. Merde, c'est trop moche pour Bip Bip, il va prendre tellement de retard dans la ligne droite qu'il n'arrivera jamais à rejoindre la tête. Allez, mon Georgeounnet, il faut faire quelque chose. Je me porte à la hauteur de Bip Bip, à sa droite, et de la main gauche je le pousse dans le dos pour lui donner un peu plus de vitesse, comme font les mômes en mobylette avec un pote en vélo. Comme ça, on arrive à accrocher un bon 230. C'est horriblement dur pour mon bras gauche, mais heureusement, la prépa moteur du RS associée à une transmission longue nous empêchent d' accrocher le rupteur. Je commence à sentir mon bras se tétaniser, mais la banane qu'arbore Bip Bip sous son casque quand on repasse Tom4 peu avant le début du sinueux vaut largement cet effort ! Et puis, surtout, Tom4 a tout vu, et il ne manquera pas de témoigner de cette manoeuvre sévèrement burnée devant les autres, tout à l'heure à l'étape.

Allez, c' est parti pour un petit bout de sinueux, mais c'est encore du très rapide, ce n'est pas encore vraiment de la montagne.
Je lance bien Bip Bip, et donne un petit coup de frein pour rester derrière lui.
J'ai toujours bien aimé le suivre, son style est vraiment spectaculaire vu de derrière. Il passe pratiquement toutes les courbes de cet enchaînement à fond absolu, sans même relâcher les gaz. On est tous les deux à pratiquement 200, coudes, genoux et carénages raclant copieusement le bitume dans chaque virage, tirant des trajectoires au cordeau. J'admire la présence d'esprit de Bip Bip. Il ne fait pas toujours des trajectoires idéales, il n'utilise pas toute la largeur de la piste. Je veux dire de la route ! Dans les enchaînements, il prend un maximum d'angle pour prendre le trajet le plus court possible, puisque de toute façon il est à fond partout. Derrière, je vois Tom4 dans mes rétros qui a compris le truc de Bip Bip, et qui cherche à l'imiter. Son RVF400R crache toutes ses tripes, et il arrive à nous recoller juste avant une seconde longue ligne droite.
On a presque rattrappé les autres, et la vision des feux arrières aiguillonne Bip Bip qui se décale complètement à gauche de sa file, afin de me laisser la place pour qu'on fasse comme tout à l'heure.
Je me replace à droite, et je recommence à le pousser. On remonte progressivement à 230.
Ca limite les dégats vis à vis des autres bécanes.
Au moins maintenant, Bip Bip est assez près pour pouvoir jouer à la régulière. Tom4 aussi d'ailleurs, car il a profité au maximum de notre aspiration pour ne pas trop perdre de terrain.
Nous voila dans le sinueux.
Les autres ne sont que quelques centaines de mètres devant nous, on les a tous en visuel pratiquement tout le temps. Ca va nous faire une remontée couillue à effectuer, mais on en a un peu pris l'habitude avec Bip Bip, lors des Journées K d'autrefois.
Alors on va faire comme à la grande époque.
Je reste derrière lui jusqu'à ce qu' on ait tout dépassé, et une fois qu'on est devant, on s'explique entre hommes.
Notre technique est bien rodée désormais, elle évite de se gêner mutuellement et celui qui est devant n'a pas à s'inquiéter de la pression qu'il pourrait subir de derrière.
De toute façon, personne ne peut nous doubler puisqu'on est derrière les plus rapides... enfin je crois, le 400 de Tom4 reste quand même un sacré client...
Bon, on verra bien.
En tout cas, les autres, devant, préparez-vous à souffrir !
!


La remontée sur les furieux est assez lente.
Bip Bip attaque comme un lobotomisé, et j'ai un peu de mal à suivre.
Heureusement, ça commence à monter sévère, et j'ai l'avantage de la puissance.
Pourtant, le RS avance vraiment de plus en plus vite.
A croire qu'à force de faire racler le carénage, il perd du poids dans chaque virage !
On vient juste de passer le col.
Bip Bip prend de la vitesse dans le petit bout de descente avant le demi-tour à droite. Il en profite pour faire l'intérieur à Tintin au freinage, mais a mal évalué son coup. Un demi-tour, c'est traître ! Il sort complètement à l'agonie à l'extérieur, sur les freins, et termine sa trajectoire dans l'herbe. Dans l'aventure, il en perd son slider de coude !
La trajectoire de Tintin l'emmène directement sur le slider égaré. Par réflexe, il prend les freins, alors j'en profite pour couper sa trajectoire sur un filet de gaz, par l'arrière.
Merde, encore un demi-millimètre d'épaisseur de carénage en moins, mais tant pis, gaz !
Je l'enrhume propre et net, et je recolle au cul du moustique.

On a les autres en visuel.

Ils attaquent le freinage du gauche suivant comme des gorets. Kirk et Gégé sont épaule contre épaule, pratiquement en stoppie, ça ferraille sec ! Les filles sont juste devant eux, en file indienne. M'étonne pas de ces deux là, ils ont dû perdre du temps dans le demi-tour où on a passé Tintin, et les minettes en ont profité. Tels deux gladiateurs, nos lièvres prennent le droit côte à côte, et j'ai bien l'impression qu'ils s'envoient des coups de lattes au passage. Les twins rugissent, mais leur trajo est foireuse. Bip Bip tend sa trajectoire au maximum, et les recolle en sortie. Je continue à suivre le mouvement sans problème, même si je me demande si on ne va pas tous arriver avec des trous dans les carénages à force de les limer comme ça ! Maintenant, problème. La 996 et le SP1 sont côte à côte et bouchonnent. Impossible de passer, ils prennent trop de place. Sagement, Bip Bip attend son heure. Je fais gaffe à rester le plus longtemps possible à l'extérieur en entrée de courbe, pour que les deux rascals devant ne me voient pas du coin de l'oeil et continuent à ignorer notre présence... Il va falloir les surprendre, et si je veux rester collé à Bip Bip, il faut que j'arrive à les passer en même temps que lui, d'un coup d'un seul. Ca va être chaud. Mais faut pas trop tarder non plus, on voit les filles devant qui commencent à prendre un peu de champ, petit à petit. On se planque comme ça dans leur sillage pendant trois virons. Soudain, dans un gauche qui se referme, le Kirkounet fait une faute. Gégé était juste devant, et freine à l' extérieur, en serrant très vite vers la corde pour fermer la porte. Kirk avait quand même décidé de le taxer au freinage, et freine plus tard. Il le passe en frottant les carénages, tout en prenant son angle vers le point de corde. Mais il est trop vite, et freine un poil trop fort. Il part en léger stoppie sur l'angle. La 996 se met en travers, et sa roue arrière tape le carénage de Gégé, qui est obligé de redresser sa Honda en essorant les freins. Bip Bip s'engouffre dans le boulevard qu'ils viennent de nous laisser, et je suis le mouvement dans la foulée. Merde ! De rage, voyant le moustique passer, Kirk tente le tout pour le tout et jette la 996 sur l'angle juste au moment où je le passe à l'intérieur avec vingt bornes de mieux ! J'accroche son rétro avec ma poignée de frein ! J'entend le bruit du rétro qui explose à ma droite, en même temps que le 12R part brutalement en stoppie de la mort qui tue, complètement en travers !!! Heureusement, le rétro de Kirk a cédé, et le frein se relâche immédiatement. La roue arrière se repose complètement en travers, j'évite de justesse de me faire éjecter, et on pile côte à côte à ras du fossé. Ca bloque Gégé qui venait de se remettre dans l' axe, et qui s'arrête limite avant de buter la 996 par le travers. On se regarde une fraction de seconde, tout le monde est sur ses roues. Face au fossé, Je claque la première, et laisse tomber la moto à terre en braquant à droite. J'embraye juste au moment où mon genou touche par terre, et je met du gros gaz pour démarrer plein angle, en limite de wheeling. C'est reparti à donf, mais ce coup ci, j'ai l'avantage parce que je suis devant, et mon démarrage de folie m'assure de larguer les deux twins immédiatement. Mais du coup, à cause de cet arrêt inopiné, on a tous les trois perdu au moins cinq secondes, et pendant qu'on redémarre comme des branques, je vois l'Hayabusa de Tintin qui nous a rattrapés se porter à ma hauteur, et me prendre une demi-longueur d' avance. Ca mon bonhomme, je ne vais pas le laisser passer. Pas de bol pour toi, je suis à l'intérieur pour le droit suivant, et la bouse qui me taxera au freinage n'a pas encore été construite. S'agit de freiner tard... Pas maintenant... pas encore... encore un petit peu plus loin... de toute façon je freine après lui... putain le con il freine pas ! Si ! Maintenant ! Freins ! Merd'merd'merd' je m'arrête pas !!! Putain le ravin !!! Non, surtout pas de stoppie, c'est pas le moment ! Je prend mon angle en dosant religieusement le frein, et je pose le coude, toujours sur les freins. Tintin s'appuie sur moi comme un malade, et je dois appuyer franchement par terre avec le coude pour ne pas me coucher complètement. Si ça se referme, c'est sûr, je bouffe tout le slider et je fais un trou dans ma combine ! On continue à freiner comme des porcs bien après le point de corde pour pas se sortir. On se rapproche du muret, et je sens l'Hayabusa trembler comme une feuille contre ma jambe. Je suis sûr qu'il roule sur le muret maintenant, ce taré ! J'ai tout le poids de la Suz en appui sur la jambe et le carénage ! Ah merde, le con, pourquoi il a pas freiné plus tôt ? On a failli terminer dans le ravin, et avec cette sortie de courbe sur les freins, Gégé et Kirk en profitent pour nous repasser avec des trajectoires parfaites ! Merde ! Gaz ! Débrouille toi tout seul, mon petit Tintin ! Je le largue, et j'entend un craquement à l'arrière du 12R. J'ai dû perdre kek chose, moi... On verra ça plus tard. Je jette un oeil dans le rétro, et je vois Tintin revenir sur le bitume dans un guidonnage de folie. Tant mieux, il va pas remettre gaz de sitôt. Oubliée la Suz ! Allez, j'en ai encore six devant moi, faudrait au moins tenter de sauver l'honneur. Je passe le virage suivant, pour m'apercevoir qu'on vient d'arriver au village. Merde. C'est pas encore maintenant que j'aurais ma chance.
Tant pis, je m'arrête avec les autres, et je vois arriver Tom4 qui en a profité pour passer Tintin in extremis.
Bilan des dégâts : la 996 a perdu un rétro, j'ai perdu mon cale-pied arrière, la butée de direction de l'Hayabusa est pétée, il ne reste plus de peinture sur les bas de carénages, et Bip Bip a même des débuts de trous dans le sien.
Rien de bien grave, mais va quand même falloir se calmer un tantinet si on veut arriver entiers au Castellet.
Bon, par égard pour les âmes sensibles, je passe sur l'engueulade de Tintin à propos de ma manoeuvre pour le passer, en particulier les évocations diverses à propos de ma sexualité, qui feraient rougir même un grec...
Kirk et Gégé en ont autant l'un pour l'autre, s'accusant réciproquement de s'être bouchonnés, afin d'expliquer leurs si piètres résultats.
Evidemment, les filles arrivées en tête se marrent copieusement.
Bip Bip est assez satisfait, il était juste dans la roue du R1, qui selon lui bouchonnait, comme tous les R1...
Bref, une belle tranche de vie, bien épaisse et bien saignante...

On tombe rapidement d'accord pour repartir de suite, afin de couper court aux commentaires des arsouilleuses.
On décide d'un commun accord de rouler plus cool sur la fin de la descente.
Bip Bip se met un nouveau slider de coude, et c'est à ce moment là que les autres choisissent d'arriver.
On les avait presque oubliés, du coup ! Bref, on prolonge la pause, on écoute quelques commentaires amusés des nouveaux arrivants, qui sont surpris d'apprendre qu'on leur a mis plus de cinq minutes dans la vue.
Evidemment, on la joue faussement modeste, ça aurait pu être mieux, mais on n'était pas vraiment en forme, c'était pas toujours très propre, et en montagne, faut toujours garder de la marge, t'attaquais toi ?
C'est pas le tout, on en est à peine à la moitié de la descente.
Faut repartir.

Comme on a décidé de ne plus limer les carénages, Kaf et Shooting Star décident de se joindre au groupe de tête.
On ne s'arrêtera plus jusqu'au Relais Thermique de Draguignan.

On traverse Bargemon bien tranquillement, en automatique, et dès la sortie du bled, on met gaz.
Cette fois ci, j'ai bien décidé de prendre la tête, et j'ai déjà rétrogradé en première pour passer en manuel et mettre les gaz juste au passage du panneau. Merde, les cons, ils font pareil devant, malgré la décision de ne pas attaquer ! Promesses d'ivrognes ! Du coup, Gégé est devant, et je suis bouchonné par Adeline et Kirk qui sont côte à côte, couchés sur leurs brêlons.
Trop étroit pour passer.
Si, ça va passer, je mets plus de gaz, je les rattrape à l'accélération, et j'en remet une louche pour faire un magnifique wheeling qui me permet de passer entre eux avec le guidon assez haut pour ne pas (trop) les accrocher. Les combines frottent un peu, mais je suis passé ! Je redescend délicatement l'avant, passe un rapport à la volée, et je me place bien à l'extérieur pour le droit serré qui nous saute à la figure, pile poil dans le sillage de Gégé.

Mon p'tit Gégé, je m'en vais te donner une petite leçon de pilotage de derrière les fagots, et tu vas voir si un 12R c'est bon que pour l'autoroute.


Gégé est à une cinquantaine de mètres devant moi quand il attaque la première courbe.
Un gauche très serré.
Il passe vite l'animal, pas moyen de remonter.
Je prend une corde tardive, en seconde, afin de pouvoir mettre les gaz le plus tôt possible, et profiter de ma puissance supérieure pour le remonter.
Le petit droit suivant passe plein gaz.
Les carénages frottent, les sliders sont tous posés, et j'ai déjà repris la moitié de mon retard au freinage du gauche suivant.
Gégé est très propre, et il profite de sa garde au sol supérieure pour passer un poil plus vite que moi au point de corde.
Qu'importe, je remets gaz tôt et je reprend encore quelques mètres.
On passe encore trois ou quatre épingles comme ça, et maintenant je suis juste derrière lui.
Pas trop près...
Je fais attention à couper les gaz bien avant de freiner.
Comme ça, je suis sûr qu'il ne m'entend pas, il ignore toujours ma présence, et pourtant je suis à une petite longueur derrière lui.
Je le sens mollir.
C'est très dur de rester motivé quand on est seul en tête, et j'avoue que je compte un peu là dessus pour lui faire un coup de pute.
Et effectivement, Gégé commence à mollir un poil, il se sent tranquille, seul au monde, et il perd un peu de sa gniak.
Il est à moi !
On va attaquer un joli pif-paf.
D'abord un droit, puis un gauche.
J'ai pu voir les deux virages de la ligne droite, d'en haut.
D'abord, il y a presque un demi-tour, avec un freinage en courbe et en descente, suivi immédiatement par un gauche très serré.
En un instant, je fais mon choix.
Je vais tenter un extérieur dans le droit, pour me porter à sa hauteur et être bien placé à l'intérieur pour le gauche.
C'est un peu couillu, mais faisable.
Le freinage est en courbe, et Gégé prend une trajectoire classique, freinant relativement tôt et fermant la porte à l 'intérieur, en faisant pratiquement tout son freinage sur l'angle.
Je me suis rapproché à l'accélération, et je freine après lui, à sa gauche.
J' arrive comme une balle à sa hauteur, et lui prend une roue d'avance.
Parfait.
Il prend un point de corde impeccable, et j'en profite pour m' appuyer copieusement sur lui pour le dissuader de remettre trop vite les gaz.
Mais c'est inutile, il est tellement surpris de me voir là qu'il perd une toute petite seconde avant de se ressaisir.
Tant mieux pour moi !
Je le serre à mort vers l'intérieur, tout en remettant la sauce.
On sort tous les deux de la courbe en wheeling, et en jouant des coudes.
Chaud devant !
On pose en même temps, toujours côte à côte.
Les embouts de guidons s'accrochent un peu, et la propreté de nos trajectoires à la prise de frein s'en ressent... mais ça passe.
Là, je sais d'avance que j'ai réussi mon coup.
Je suis à l'intérieur pour le gauche.
Il suffit juste de ne pas mollir.
Je lâche les freins tôt, et je pose tout par terre.
Mon flanc de carénage ne doit plus être bien épais maintenant, et avec l'usure de mes sliders de coude, je peux prendre un poil plus d' angle qu'avant.
Gaz !
Gégé est derrière maintenant.
Je n'ai plus qu'à gérer mon avance.
Pas facile, mais je n'ai pas l'intention de commettre la même erreur que lui.
Pas question de mollir.
Mais ça ne risque pas d'arriver, Gégé m'asticote et se montre très très présent.
Bonne idée de sa part, il me harcèle en attendant que je commette une erreur.
Mais je ne suis pas tombé de la dernière pluie.
Il suffit de l'ignorer, et de piloter propre, avec un micro poil de marge pour être sûr de ne pas faire d'erreur, mais pas assez pour lui laisser une porte ouverte.
Concentration.
Accélération, freinage, prise d'angle, posé de genou et de coude, point de corde impeccable, et on recommence, inlassablement.
Concentré.
Gégé est coincé derrière.
Il doit enrager.
Je me permets un bref sourire sous le casque à cette pensée dans une petite ligne droite.
Allez, freinage, c'est reparti pour une épingle.
Merde.
Alarme matérielle dans mon viseur tête haute.
Plaquettes avant à 90 % d'usure !
Mais elles n'ont que trois mille bornes !!!
Pas le choix, faut que j'économise un peu mes freins, sinon, à 95 % d'usure, la bécane passera en guidage semi-automatique et je ne pourrais plus attaquer.
Merde.
Je compense au frein arrière, mais malgré mes efforts, Gégé s'est rendu compte qu'il se passait quelque chose.
Il me fait un freinage d'anthologie, avec un stoppie de la mort à la clé, et je ne peux strictement rien faire.
Merde.
Impossible de le suivre, je me contente de sauver les meubles, en essorant le frein arrière pour compenser.
Maintenant, c'est Bip Bip qui me taxe au freinage, puis Adeline, Kirk, Corinne.
Merde, merde, et re-merde.
C'est au tour des deux chatons de me piquer au freinage.
Les deux dans le même virage.
Agnès les suit de près.
J'enrage, j'étais en tête, et c'est le matosse qui me lâche.
Bon, c'est pas trop grave, Ric-la-Rape devrait pouvoir me dépanner en plaquettes...

Quand on arrive à Draguignan, je suis bon dernier. Les autres sont tous arrivés et m'attendent au Relais Thermique. J'avais renoncé à me battre, et pourtant il me reste à peine de quoi rallier le Castellet en prenant l'autoroute.
J'explique la situation aux autres, et leur indique que je rallierais le circuit en prenant un maximum d'autoroute, mais qu'il peuvent continuer à s'amuser entre eux, ça ne me gêne pas.
C'est vendu.
Je fais le plein, je vérifie la bécane.
Elle commence à avoir une sale gueule, avec son cale pied arrière manquant, son carénage tout râpé et son disque arrière tout bleu après ce que je lui ai mis. Bon, faut pas dramatiser, tout va bien niveau mécanique, deux jeux de plaquettes et elle repart comme en quarante.

Allez, c'est parti, je prend la direction du Muy, pour prendre l'autoroute en direction de Toulon. Je ne la quitterai qu'à la Cadière d'Azur, avant de rejoindre le Beausset et de là, le Castellet. C'est un long détour, mais il me permet de ne quasiment pas toucher aux freins, sauf bien sûr dans la fameuse côte du Beausset, où je compte bien les finir !
On devrait ainsi arriver tous à peu près en même temps sur le circuit...

J'arrive au Castellet juste après midi.
Les autres ne sont pas encore là, mais ils ne devraient pas tarder. Je repère le camion de Ric-la-Rape, qui est venu avec une magnifique GSXR 1000 préparée pour la course, pour son petit plaisir personnel...
A côté de la Suz est parquée une Buell X1 qui me dit quelque chose... Ric m'indique que c'est celle d'Oufti. Il ne devait pas venir à la NC, mais Serge/XX l'a prévenu hier soir qu'on pouvait tourner au Castellet. Alors il a pris la route immédiatement, il a roulé toute la nuit, et il est arrivé tôt ce matin. Maintenant, il dort dans le camion, et il est temps d'aller le réveiller pour déjeuner. Super ! Ca va saigner avec Oufti !

Bon, c'est pas le tout, j'ai du boulot.
Faut que je change mes plaquettes, moi. Heureusement, Ric en a plein d'avance, il se doutait qu'il y aurait des clients pour ce genre de pièces détachées ! Il me donne un coup de main, et un quart d'heure plus tard, les trois jeux de plaquettes sont neufs. Ric me dit de partir tout de suite faire un aller retour jusqu'au village du Beausset pour les roder, parce que cet après midi, on prend la piste, et il vaut mieux que la moto soit nickel pour qu'on y monte des Michelin.
Hein ? Quoi ? Des Michelin ?
Ben oui, m'explique Ric, le staff Michelin a été prévenu de l'opération prévue demain par Pirelli et BMW, alors ils ont décidé de faire quelque chose à la dernière minute. Bref, ils sont là, avec tout un stock de pneus d'époque, des vrais pneus avec de la vraie gomme, des Pilot Race Soft.
Que du tendre !
Mais il n'y en aura peut-être pas assez pour tout le monde...
Bon, ok, je rode mes plaquettes et je suis là dans une demi-heure !

Après ce petit intermède routier plutôt cool, enfin, à la descente, parce qu'au retour j'ai commencé à attaquer, faut pas déconner quand même, me voila à faire la queue chez Michelin pour installer les gommards sur le 12R.
Pendant ma petite escapade, les autres membres du groupe sont tous arrivés, et Oufti est sorti de sa léthargie.
Si on ajoute le groupe de Béhèmistes émérites, accompagnés de Serge/XX, la Peste, Tromph, Djeel et les autres qui sont venus en douce sur le circuit, on peut dire qu'il y a foule !
Mais au fait, ils ne devaient pas se faire les Alpes, aujourd'hui ?
Boarf, un peu d'intox n'a jamais fait de mal à personne, pas vrai ? me fait Tricé avec un clin d'oeil !

Bon, on nous informe qu'on a le temps de bouffer avant de passer au montage des pneus.
De toute façon, le circuit ne sera pas ouvert aux motos avant quinze heures.
On a le temps de se remplir la panse, mais après il faudra apporter des roues démontées et propres pour faciliter le travail des monteurs, sinon il n'y aurait pas le temps d'en monter beaucoup.
Pas de problème, on s'en chargera.

Direction le buffet en plein air que Ric-la-Rape a prévu.
Parfaite, l'organisation !
Bon, pendant qu'on grignote, on s'arrange entre nous pour l'organisation des changements de pneus. Il va falloir jouer serré si on veut être tous prêts pour quinze heures, surtout qu'il n'y a que quatre paires de béquilles d'atelier, indispensables sur les sportives.
Les béhèmistes et les routards s'arrangeront avec leurs centrales.

Quinze heures, enfin.
Toutes les motos sont prêtes.
On est une bonne trentaine, prêts à rouler.
Certains ont décidé de ne pas attaquer, juste de retrouver quelques sensations propres aux vrais pneus...
C'est sans doute vrai, pour certains d'entre eux...
Pour d'autres, j'ai franchement du mal à le croire !
Enfin bon, on verra...

Avant de rentrer sur la piste, toutes les bécanes sont contrôlées visuellement par un commissaire. Pas question d'entrer avec des plaquettes usées (ouf !), une chaîne pourrie, un niveau d'huile trop bas, ou des fuites.
Pas de risques inutiles, et c'est bien normal.

On nous a longuement briefés tout à l'heure. Il ne faut pas oublier que des pneus, ça se fait chauffer, pendant au moins deux tours. Accélérations et freinages doivent être dosés, et pas question de poser le coude. Beaucoup de motards se bourrent au premier virage s'ils oublient qu'ils ont de vrais pneus qui peuvent glisser.
Ouais, ouais, cause toujours.
On approuve, mais ces conseils sont surtout bons pour les autres, les traînards ! Nous, les vrais motards, on se rappelle très bien comment on s'y prend avec des gommes tendres !

Bon, maintenant, il est temps d'y aller.

Je vois les plus gros clients qui laissent passer les « petits » devant...
Bien sûr.
C'est beaucoup plus drôle quand on a des attardés à doubler !
De toute façon, comme presque personne ne connaît le tracé du Castellet, ça va se traîner grave.
Même si je n'ai jamais tourné ici, j'ai une bonne idée du circuit, vu de l'extérieur. Les endroits dangereux sont le droit qui commande la ligne droite du mistral, lent et serré, Signes, rapide gauche en aveugle qui commence en montée et finit en descente, l'entrée du double droit du Beausset, dans lequel il faut entrer sur les freins en courbe et se retenir d'accélérer avant le second point de corde.
Autrefois, c'était là que les chutes étaient les plus nombreuses.
Faire gaffe, mais passer vite quand même.

Bon, c'est mon tour d'entrer en piste, je suis parmi les derniers, juste derrière Gégé et Bip Bip.
Oufti et Serge/XX me suivent de près, et Ric-la-Rape n'est pas encore parti.
Je le vois bien partir dernier, pour une remontée fantastique, le rascal !
Bon, c'est pas le tout, faut être concentré et prudent, surtout dans la phase de découverte du circuit.

Je sors des stands, et pas question que les deux rascals me sèment.
Gaz ! Oh putain ! La virgule !
Les boules, j'ai bien failli me bourrer dès mes premiers mètres sur la piste ! Finalement, ils ne disaient pas que des conneries, chez Michelin.
Des pneus tendres, ça ?
Heureusement qu'ils ne nous ont pas ressorti les vieux M59 alors !


Bon, c'est pas le tout, maintenant il faut se concentrer.
Enfin, je roule sur le Castellet avec mes potes, sur une bécane d'époque au top de sa forme, et avec des pneus également d'époque qui peuvent glisser.
Comme autrefois.
Ce ne sont plus les enveloppes à champs de forces, pas question de raper le carénage ou de poser le coude avec du gros gaz. Non, faut y aller soft, et commencer par faire chauffer les pneus. Déjà que je viens de me faire une belle virgule en sortant des stands, il s' agit maintenant d'être prudent et de faire chauffer consciencieusement mes pneus.
Bon, pour le moment, on est dans la ligne droite des stands.
J'accélère fort, très fort, mais pas complètement à fond quand même... On sait jamais... Je me contente de suivre Gégé et Bip Bip qui sont juste devant moi.
On arrive à la chicane, faut freiner.
On freine tous bien tôt, pas trop fort pour pas risquer de bloquer.
Merd'merd'merd' je suis trop vite ! J'ai pas osé freiner assez fort avec ces pneus qui glissent !
Humpf !
Je serre le frein.
Blocage !
Oups, je relâche et je prend le droit complètement à l'extérieur, avec juste un rien de frein.
C'est dingue !
C'est des vraies savonnettes, ces Pilot Sport !
Je me les rappelais pas comme ça à l'époque !
Bon, d'accord, ils ne doivent pas être chauds.
On va y aller mollo maintenant.

Gégé et Bip Bip ont pris un poil de champ, devant, mais ils n'étaient visiblement pas très propres non plus...
Petite frayeur ?
Arf !
Ils doivent avoir les mêmes problèmes que moi !
Bon, j'enchaîne.
Le gauche, puis le double droit très lent avant la ligne droite du mistral. On y va lentement, mais proprement. On attaque la ligne droite, progressivement je mets les gaz. Ca tient, pas de problème. Je redresse bien la moto, et maintenant c'est à fond. La cavalerie du 12R commence à causer. Troisième, quatrième, cool maintenant, j'ai rattrapé les deux autres, devant. Pas question de me rater à Signes, même s'ils doivent reprendre du champ au freinage. Mais non, ils ont dû être échaudés eux aussi, et freinent à 300 mètres.
Les lopettes !
Je peux les pourrir, ils vont être à l'arrêt dans Signes ! Heu... finalement non, les pneus sont encore froids, je freine moi aussi sagement à 300 mètres et je rentre un rapport.
On prend Signes bien cool.
Comme le virage commence en montée et finit en descente, on ne voit pas la sortie.
Pas cool pour prendre le point de corde.
Je décide un point de corde tardif, comme sur une route inconnue...
Bien m'en a pris, la sortie est un poil en dévers, et je vois Bip Bip qui est rentré trop tôt élargir comme un malade au ras du bac à gravier pendant que je remets les gaz en ricanant...
Heu, oui, mais là, il est plus que temps de freiner pour le double droit du Beausset ! T'ain, c'est effrayant ce freinage sur l'angle en descente et en dévers...
Heureusement, à cet endroit la piste est très large et on peut aller vachement loin avant de se retrouver dans le bac !
Devant, Gégé a fait la même connerie que moi !
Bon, on redresse la situation, et gaz pour rallier le second point de corde afin de ne pas perdre trop de temps... Voila... Freinage un peu avant la passerelle Dunlop pour rentrer dans le pif paf. Le droit est très lent mais très court, je balance la moto rapidement d'un côté à l' autre.
Va falloir que je me presse un peu plus pour changer de déhanché, sinon ça va pas le faire.
Faudra être plus propre.
Bon, on attaque le gauche, un premier point de corde immédiatement, on se laisse élargir un peu en mettant du gaz avant de raccrocher le second point de corde.
Rhaaah !
Gros travers du 12R !
Heureusement que les vieux réflexes ont joués sur ce coup là, et que je me suis mis debout sur les cale-pieds, sinon j'étais bon pour un high-side !
Mais quel con !
C'est le tout premier gauche du circuit !
Les pneus sont encore complètement froids de ce côté !
Faudra que j'y pense pour le tour suivant. Il n'y a pratiquement que des virages à droite au Castellet, ça n'aide pas vraiment !
Bon, je rattrape la bébête, je la remets sur la trajectoire, et Bip Bip en profite pour passer à l'intérieur...
Normal...
Allez, on prend le second point de corde et c'est parti pour le virage du village.
Tout un poème ce virage.
Un long droit qui s'élargit et qu'on prend en pleine accélération en montant ses rapports...
Gros coeur obligatoire.
Bon, on y va mollo, là dedans, du gaz, certes, mais sans excès dirons-nous. Je passe la trois, cool, avec l'embrayage, en faisant patiner... Pas question de passer une vitesse à la volée avec de l'angle, non mais ça va pas non ? Surtout après avoir failli me gameller dans le virage précédent !
Bon, on sort du Village, il est temps de freiner à nouveau pour le pif paf avant la ligne droite du départ. Le gauche est assez lent (surtout pour moi, faut chauffer ce côté là des pneus, hein), et le droit l'est encore un peu plus. Bon, maintenant, c'est tranquille, on boucle le tour et on est de nouveau sur la ligne droite des stands.
Gaz !
Mais, tiens, j'y pense... On n'a doublé personne au premier tour ! Ok, je suis toujours avec Gégé et Bip Bip, mais on n'a même pas été foutus de passer une chicane mobile ! C'est quoi ce bordel ? Bon, au moins, personne ne nous a passé non plus, et on va pas tarder à se faire La Peste qui est juste devant avec son SV.
Arf !
On la passe avec trente bornes de mieux !
Eh, oh ! On va quand même pas laisser devant les brèles poussives, hein ?
Je passe La Peste et je freine.
S'agit pas de refaire le même tout droit que tout à l'heure.
Donc, je freine plus fort dès le départ, mais assez tôt quand même.
Pas question de se bourrer.
De toute façon, La Peste ne me passera jamais au freinage, elle est pas pilote...
Mais ! Mais ! Mais ! Elle me fait le freinage !!! C'est quoi ce délire ? Elle va se taper un tout droit, c'est pas possible ? Non, elle prend son angle et attaque le virage... Ca tiendra pas, c'est pas possible... Elle déhanche même pas ! Le cale-pied racle, mais ça passe, elle m'a même pris deux longueurs ! Dans le droit suivant, elle se fait Bip Bip dans la foulée ! C'est pas possible un truc pareil, je rêve, là ou quoi ? Elle est derrière Gégé à l'entrée du double droit lent, et le surprend en lui faisant l'intérieur au second point de corde. Gégé redresse son SP1 et coupe.
C'est dingue.
On s'est fait pourrir tous les trois en trois virages par une fille sur un SV !
Je le vois, je le crois pas !
Bon, de toute façon, on attaque la ligne droite du Mistral, et là, le pauvre twin ne fait pas le poids.
Oubliée, la Peste.
Non mais, y'a des limites quand même !
Allez, gaz, je me fais La Peste et Bip Bip dans la foulée... Tu tires un poil court, mon pote ! Je recolle le SP1 et je suis dans sa roue pour le freinage de Signes... Cette fois ci, on freine un peu plus tard. 250 mètres, ça va le faire. Heu... Ca bouge du cul, là... Je relâche un brin le levier pour prendre mon angle, et je reprend le même point de corde que la première fois en remettant un filet de gaz. Gégé est un poil large, c'est l'occasion, je me le fais ! Gagné ! Je suis devant. Ah merde, faut freiner maintenant. T'ain, j'ai horreur de ce freinage à l'entrée du Beausset. J'en ai vu tellement finir dans le bac en perdant l'avant sur l'angle que du coup je rate d'un bon mètre le premier point de corde et je finis gaz coupés au ras du bac, comme tout à l'heure. Gégé est repassé devant en prenant simplement la bonne trajo. Merde, je me suis fait avoir comme une bleusaille ! Pas trop grave, je suis mieux pour l'accélération, et je recolle Gégé au freinage du pif paf.
Tiens, il y a une bécane devant.
Impossible de la rater, c' est Marco sur son K11LT.
Arfarfarf ! J'en ris d'avance comment on va pourrir la grosse baleine ! Il est déjà dans le pif qu'on sort à peine du Beausset. Gaz ! Frein ! Pif-Paf, attention à ne pas mettre trop de gaz dans le gauche... Pas envie de refaire le même coup que tout à l' heure. Gégé, lui, ne doute de rien et met gaz... sans problème. Je viens de perdre deux longueurs. Ah, mais ça ne se passera pas comme ça ! Bip Bip me repasse à l'entrée du Village, il a profité lui aussi de mon filet de gaz un peu trop maigre. Vacherie ! Bon, je gaze dans le village, et on est tous les trois bien groupés pour le gauche droite qui commande la ligne droite des stands. Marco n'est vraiment pas loin, et on se farcit la BM à l'accélération sans difficultés.
C'est reparti pour un tour !
Allez, on arrive déjà au freinage.
Les pneus sont chauds, sans doute, mais bon, on se garde un peu de marge quand même.
Gégé freine un poil tôt, et Bip Bip et moi on l'imite.
Non !
Mais c'est pas vrai !
Marco me refait le même coup que la Peste tout à l'heure !
L'enfoiré, c'est vrai qu'il a un ABS, il a dû le laisser branché.
Mais bon, l'ABS ne fait pas tout, et là, il est franchement trop vite pour que ça passe...
Va y avoir des bouts de plastiques partout, là...
Mais lui non plus il ne doute de rien ! Il prend son angle, pose la moto par terre dans un raclement sinistre, et remet gaz ! Et ça tient !!! C'est dingue, ça. Bon, s'il passe avec sa grosse GT, c'est qu'on peut y aller ! Allez, moi aussi je mets gaz... et je réduis bien vite vu la dérive que je me tape ! C'est dingue, la BM tiendrait mieux que le 12R ? C'est pas possible un truc pareil ! Et dans la foulée, comme la Peste, il se fait Bip Bip dans le gauche, et Gégé dans le droit. Mais pourtant, on n'est pas des tanches quand même ! On n'a pas pu oublier à ce point là le pilotage Vintage !
Si ?
Non, c'est pas possible, il doit y avoir une raison.
Bon, pas de problème pour passer la BM dans la ligne droite, on a quand même des watts... C'est plus long que pour le SV, mais bien vite le K11 plafonne en vitesse pure, et on peut se le faire... Bip Bip est un peu limite, comme d'hab, mais il passe quand même, et je double les deux zigotos en même temps pour recoller Gégé au freinage de Signes. On freine encore un peu plus tard. 220 mètres. Ca le fait, Signes peut passer très vite. On passe Signes, et c'est encore le freinage du Beausset qui m'effraie toujours autant. Je freine tôt, je sais que je suis encore lent ici, mais si je reste propre, ça va le faire. J'entend un bruit de moteur derrière moi au moment où je coupe les gaz... Bip Bip a dû prendre Signes avec la grosse attaque pour nous recoller... Je le reconnais bien là le bougre... Allez, un peu de gaz dans le Beausset, en serrant la trajectoire pour ne pas dépasser le milieu de la piste entre les deux points de cordes. Je maintiens les gaz, la moto dérive un poil des deux roues, nickel. C'est le grand pied, je sens que je suis proche de la limite. Ah, enfin, les sensations reviennent ! Second point de corde, et GAZ ! Houla, ça guidonne grave ! Obligé de couper, et c'est déjà le freinage à la passerelle Dunlop. Toujours ce bruit de moteur derrière, léger certes, mais présent.
Ca doit être encore Bip Bip qui me talonne.
Droite puis gauche rapide, faut que je mette gaz, les pneus sont chauds maintenant... Ca dérive, je suis à la limite, personne ne peut me pourrir... Mais ce bruit de moteur est toujours présent, et le Bip Bip va me faire l'intérieur, je le sens... Mais ça ne peut pas passer, j'espère seulement qu'il ne va pas m'entraîner dans sa chute !
Quoi ?
C'est pas le moustique ?
Mais c'est encore Marco avec sa BM !!!
Et il me fait l'intérieur, ce con !
C'est pas possible un truc pareil !
Non, pas question.
Je remets un peu de gaz dans le filet ! Oups, virgule ! Obligé de réduire. Marco passe facile...
Et merde.
Dans le village, il se permet même de faire l'exter à Gégé.
Mais comment il fait pour pas se vautrer ?
Gégé est dégoûté. Entre le gauche et le droite avant l'entrée des stands, il lève la main gauche, et moi aussi.
On rentre aux stands, suivis par Bip Bip et on rejoint directement le paddock.

Il y a quelque chose qui ne va pas.
Va falloir régler le problème.
Conciliabule.
Là, faut être honnête, on a été minables.
Bip Bip est en nage, il s'est dépouillé pour suivre le rythme.
Là, c'est vrai qu'avec le RS, il est court en puissance pour un circuit aussi rapide. Par contre, Gégé et moi, on a des bécanes faites pour. Pourtant Gégé me dit que dans le dernier tour, il était limite partout. Moi aussi, j'ai senti la dérive des deux roues par moment, et je ne pouvais jamais mettre plus de gaz sans me bourrer.
On regarde les machines, les pneus ont souffert. La gomme est vraiment sale, ça forme des escaliers partout.
Bingo !
C'est nos réglages de suspensions qui sont complètement à l'ouest ! Eh oui, forcément, on a tous les trois des réglages sports correspondant à des enveloppes à champs de forces. Donc, des ressorts hyper durs, et des hydrauliques souqués à donf. Pas étonnant qu'on tienne pas le pavé avec des gommards d'époque, les pneus doivent toucher le sol la moitié du temps et encaisser toutes les irrégularités.
Bref, on a bien fait de s'arrêter, on était en train de les détruire.
Du coup, ceux qui comme la Peste et Marco ont gardés des réglages d'origines nettement plus confortables que les nôtres sont avantagés !
Ca explique tout.
Bon, au boulot.
Pour les ressorts, on peut pas faire grand chose. Comme on les a tous changés pour du bois tendre, on sera forcément trop dur. Alors on diminue au maximum les précontraintes pour avoir le plus de course morte possible. On perd en garde au sol, mais c'est pas grave, de toute façon on ne pourra pas poser le coude. Avec nos huiles très épaisses, faut ouvrir partout, presque au maximum. Détente à zéro ou presque, on conserve quand même un peu de compression pour ne pas pomper comme des malades. Bon, ce sera pas idéal, mais on pourra freiner plus fort et on va gagner en motricité. Bip Bip garde des réglages encore trop fermes à mon goût, mais il a toujours eu horreur d'une bécane un poil souple, et préfère se bagarrer avec un bout de bois sautillant.
Après tout, chacun ses goûts...
Au fait, les gars, on dit rien aux autres, hein ?
On va tous se les faire !
Allez, en piste, c'est reparti !