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Retour à la terre ...
Par Charly

Mise à jour: 1er novembre 2010
 
 

Charly says: "Le JBT me fait mourir de rire et pleurer de nostalgie, car quand je lis le JBT (1), je revis des moments vécus......."



1973..1974, je suis toujours avec mon CB 750. Ca fait deux ans et déjà quelques gamelles à l'actif.
Je n'ai plus depuis longtemps le carénage et le gros bidon Bell que j'avais quand je l'ai acheté, ils sont restés accrochés au bitume.
Mon équipement, n'a pas beaucoup évolué lui. Un cuir, un casque "aviation", peint à la main au drapeau Américain, une paire de lunette de soleil, assez claire et une sorte de col roulé en laine noire que j'enfile du cou jusqu'au nez, tricoté main par ma mère, à grosse maille façon écharpe.

Mon pote Gégène, (Eugène dans le tome 1), est en rideau avec son Ducati 350 desmo, il est donc mon passager attitré, car on s'entend bien tous les deux.

Nous sommes toujours en Normandie, c'est l'été et on va faire un tour pour voir les copains à Colleville.
Pour rejoindre ce village, on doit prendre une petite départementale qui est nantie de trois quatre virages en S, bien sympas.
La route n'est pas trop vilaine et est entouré de champ, donc en cas de tout droit y a pas trop de lézard... sauf qu'il y a un fossé qui borde cette route: 1 m de prof mini, sur au moins autant de large.

Comme j'adore ces courbes, je me prépare de loin et fait monter la pression en ouvrant en grand bien avant, pour se mettre en configuration banzai, à l'attaque !

Les courbes arrivent vite et je vois entre les bosquets d'arbres, une voiture devant dans les S, que je suis.
J'estime qu'elle sera sortie des virages quand je serais dedans, donc j'y vais à donf.
Premier courbe à droite, le CB avec un passager, même léger comme Gégène, rabote copieusement au niveau du coude de mon 4 en 1, qui a cette époque est un "Speed motorcycle".
Je suis donc limite-limite aux alentours de 130...140.
Le gauche qui suit est là tout de suite et surprise... la voiture que je croyais suivre arrive en face !
Effet d'optique avec les arbres et les S, alors que je croyais la suivre, elle arrive en sens inverse !
Mes réflexes ne sont pas encore assez conditionnés ! C'est la panique ! Bien que j'ai la place de passer, je fais des erreurs, je mords l'herbe et la terre sur le bord droit de la route.
Je n'arrive manifestement pas à redresser et je vais droit vers les champs... mais la vitesse n'est pas assez élevée pour voler au dessus du fossé, nous nous écrasons donc au fond où la bécane se loge bien dans l'axe du fossé, mais ceci n'empêche pas qu'on vas au tas et à la vitesse indiquée on roule, on glisse comme des balots dans le fond du fossé.

Tout s'arrête, c'est le silence total pendant quelques fractions de seconde.
Je ne sais pas où je suis, je ne sais plus rien de la moto ni de Gégène.
Puis dans ces cas là, on se redresse petit à petit.
On refait surface.

L'expérience, maintenant je commence a avoir du vécu sur ce genre de situation, est que l'on a pas mal tout de suite, on est sur une sorte de nuage, puis on reprend conscience de la réalité... et là la réalité est que je n'ai pas trop mal, mais je ne vois plus rien.
C'est le noir complet.
La panique commence à me prendre :

AU SECOURS JE SUIS AVEUGLE !

Je me relève et je crie que je ne vois plus rien. C'est la panique complète, je marche sans savoir ni voir où je vais. Je tourne en rond, je ne sais plus...
Au bout de quelques secondes, qui m'ont parues une éternité, j'entend des voix, puis j'identifie Gégène qui me parle, qui tente de me calmer.
Il me touche, me prend par les épaules et là je lui parle, je lui explique, sûrement en parlant très vite, en criant, que je suis aveugle, que je ne vois plus rien.
Il me fait assoir par terre et je sens qu'il touche à mon casque, retire la boucle, retire le casque, retire le col roulé tricoté main, retire les lunettes et là... la motte de terre qui c'était glissée entre mes lunettes et mes yeux tombe et je vois un peu le jour.
J'ai de la terre plein les yeux et ça me pique, mais je vois.
La joie, la peur, la tronche hirsute de Gégène, me font pleurer comme un bébé.
Ce qui me lave les yeux et je finis par recouvrer complètement la vue.

En fait j'ai glissé sur le ventre, la tête la première, puis quelques roulés-boulés de la plus grande grâce.
Mes lunettes ont servies de pelleteuse et mon "tube" roulé est remonté par dessus les lunettes.
Tout est resté collé et je n'ai pas eu la présence d'esprit de tout retirer.

La moto, n'a presque rien.
Elle est tombé en ligne et la fourche n'a rien pris de face.
Elle est pleine de terre elle aussi, mais cela aurait pu être pire.
Gégène, lui est resté coincé par une jambe et a eut du mal a s'extirper, ce qui explique le temps pour me rattraper.
Il boîte sévère, mais rien de cassé.
Le conducteur de la voiture, s'est arrété, mais comme il voit deux zinzins assis par terre, mort de rire, qui ont faillit lui rentrer en pleine poire, il se barre, blanc et furax de la peur qu'on lui a foutue.

Epilogue :
Le même été, je suis partis sur la cote d'azur.
Un jour à la terrasse d'un café à Hyerres avec quelques furieux du coin, j'ai mon casque qui est posé sur la table.
Je me lève et bouscule la table.
Le casque aviation, peint avec amour, tombe sur le bitume dôme contre sol.
Je le ramasse.
Cassé en deux de la visière aux cervicales !
Seule l'espèce de matière en bouchon qui sert d'amortisseur l'empêche de se détacher en deux morceaux...
Rétrospectivement, j'ai repensé à mon carton précédent et la peur m'a prit.
Les gars autour ont dû voir ma tête livide, car ils m'ont rassis comme un pantin.


Ce fut l'occasion de me payer mon premier intégral.
Un Bayard...je l'ai gardé longtemps et repeint mainte fois...